Le Seps strié – Chalcides striatus (Cuvier, 1829)
Chalcides striatus est le seul Scinque de France métropolitaine. Le genre Chalcides compte 31 espèces (reptile database), dont 7 espèces européennes. Ces scinques sont répandus depuis les îles Canaries au Proche Orient en passant par l’Afrique du nord et l’Europe du sud. Ils affectionnent les milieux plutôt secs et ouverts, à végétation basse ou bien les milieux sablonneux, substrat dans lequel ils s’enfouissent facilement. Tous ont un corps cylindrique et longiligne, plus ou moins long selon les espèces. Une des particularités de ce genre c’est la réduction voire la disparition des pattes : Selon les espèces, on observe toutes les configurations possibles de réduction du nombre de doigts et de la longueur des pattes. Chez certaines d’entre elles les pattes ont disparues ou sont réduites à des moignons à un seul doigt, d’autres en ont deux ou trois comme le Seps strié et le Seps tridactyle (Chalcides chalcides). Les espèces ayant peu de doigts ont généralement aussi des membres courts, alors que les espèces à quatre ou cinq doigts comme Chalcides ocellatus ont de plus longues pattes. Ce qui est intéressant au sein de ce genre, c’est que deux espèces proches (issues d’un même ancêtre commun) peuvent avoir un nombre de doigts très différent, des doigts ayant disparus dans une lignée peuvent réapparaitre plus tard chez une nouvelle espèce, le phénomène de régression des membres est donc réversible. Les scientifiques s’intéressent de près au développement embryonnaire des membres des différentes espèces et à l’expression des gènes HoX, ce qui nous permet de mieux comprendre le phénomène de disparition ou de réapparition des doigts et la régression des membres au court de l’évolution.
A quoi ressemble-t-il ?
C’est un lézard au corps cylindrique, lisse, tout en longueur. La tête est petite, conique et peu distincte du cou. En fait, morphologiquement, il ressemble énormément à un orvet ou même à une petite couleuvre, mais avec de toutes petites pattes. C. striatus mesure une trentaine de centimètres à l’âge adulte, des records de plus de 40 cm ont été notés. Les mâles sont légèrement plus petits que les femelles, à part cela, il n’y a aucun dimorphisme sexuel apparent. Comme l’orvet ou de nombreux autres lézards de nos régions, le Seps peut sacrifier sa queue si un prédateur la saisie, ce qui lui permet de s’enfuir, c’est l’autotomie. Nombreux sont les adultes qui n’ont plus de queue entière.
A priori, le Seps strié pourrait donc être confondu avec un orvet (Anguis spp.). Hormis le fait que l’Orvet soit de la famille des Anguidés et le Seps des Scincidés, et que l’orvet est totalement apode alors que le Seps possède des pettes même petites et pas toujours bien visible, il y a d’importantes différences de coloration entre ces deux lézards qui empêchent généralement toute confusion… A condition de les connaître. L’orvet est uniformément brun chez les mâles, le dos jaune ou brun clair chez la femelle avec souvent une fine ligne noire le long de la colonne vertébrale. Le Seps strié lui est beaucoup plus clair : sa coloration est jaune sable à gris clair, son corps est parcouru de fines lignes longitudinales de couleur brunes. A noter aussi que l’orvet a une langue bifide, moins effilée que celle des serpents, alors que celle du seps est « normale ». L’oeil du Seps est aussi entièrement noir, alors que l’iris des orvets est brun à orange. Ajoutons à cela le fait que l’orvet préfère les zones ombragées, les sous-bois et les milieux plutôt humides alors que le Seps est strictement inféodé aux milieux ouverts et secs.
Où le trouver ?
Le Seps strié est présent sur une grande partie de la Péninsule ibérique : le nord, le centre et l’ouest de l’Espagne ainsi que tout le Portugal. En France, il est avant tout présent sur le pourtour méditerranéen, remontant dans la vallée du Rhône jusqu’au sud de la Drôme et de l’Ardèche. Il est également signalé dans le Gers, en Haute-Garonne et en Ariège mais de manière sporadique (la redécouverte dans le Gers date de 2005, il n’y avait pas été vu depuis 1888). Toutefois, c’est un lézard qui passe très facilement inaperçu ce qui peut laisser supposer que sa présence est sous-estimée. A noter également sa présence, relictuelle, en Charente-Maritime entre l’estuaire de la Gironde et la Presqu’île d’Oléron. Il est encore présent dans une localité au sud du même département où il avait déjà été signalé au XIXème siècle. Globalement c’est une espèce de plaine ou de moyenne altitude mais on le rencontre jusqu’à 1 350 m d’altitude dans les Alpes du sud et 500 m en Ariège. Il vit dans la garrigue, les dunes sablonneuses (notamment en Charente-Maritime), les pelouses sèches, les friches, les jardins pas trop entretenus, les landes ouvertes…
Comment l’observer ?
Ce petit lézard est certes diurne mais il est difficile à observer car très discret, bien plus nerveux que l’orvet, fuyant rapidement dans les herbes quand on l’approche. Exclusivement terrestre, on ne le trouvera qu’à même le sol, entre les touffes d’herbes, plus rarement à découvert. Insectivore, il se nourrit de petits insectes et araignées. Il chasse en maraude, se déplaçant lentement dans la végétation. Il vit généralement sur un territoire de chasse et a ses habitudes, se réchauffant le matin à des endroits précis et réguliers, puis partant en quête de nourriture. Surtout actif au printemps et lors des étés chauds, il peut rester dans son abri (sous une pierre, une souche, un terrier) et ne plus se montrer. L’hibernation débute dès fin septembre, début octobre pour en finir en mars. On sait encore assez peu de chose sur la dynamique des populations de ce petit lézard du fait essentiellement de sa discrétion.
Reproduction :
C’est une espèce vivipare. Les accouplements ont lieu au printemps, les jeunes naissent en été, après 2 à 3 mois de gestation. La viviparité est dite matrotrophique, c’est à dire qu’en plus du sac vitellin, l’embryon puise ses nutriments par des échanges avec l’utérus de la mère. Les naissances sont peu nombreuses, une femelle met entre 3 et 12 petits au monde, en moyenne 6. Les juvéniles sont assez gros (autour de 10 cm). A la naissance, ils sont encore enveloppés dans une membrane fine et transparente. Ils s’en débarrassent rapidement, parfois avec l’aide de leur mère qui mange les restes de membrane et de liquides. Les juvéniles eux mangent le reste de vitellus une fois qu’ils l’ont détaché de leur abdomen. En captivité, chez d’autres espèces, les femelles sont souvent observées en train de lécher les nouveau-nés pour les « nettoyer ». Elles ne montrent aucune agressivité envers eux, mais ne portent pas de soins particuliers une fois la naissance passée (voir la vidéo en bas de l’article). Les nouveau-nés sont immédiatement autonomes et se dispersent rapidement.
Cette espèce est protégée par la loi. Dans les départements qui ne sont pas typiquement méditerranéens, les populations sont menacées car les milieux rendus souvent favorables par l’activité agricole traditionnelle sont soit transformés en milieux d’agriculture intensive, soit, le plus souvent, abandonnés. La forêt reprend alors ses droits : les scinques fuyant les milieux forestiers denses, ils se retrouvent isolés sur des îlots de milieux ouverts entourés de forêt où les populations déclinent lentement. Ainsi, les populations d’Ariège, du Gers et de Haute-Garonne sont probablement condamnées. Dans les milieux méditerranéens par contre, notamment de Garrigue, les populations sont parfois très denses et « prospères ».
Toute observation (étayée par une photo) de ce lézard de dehors des départements bordant la Méditerranée est à noter et à transmettre à une association herpétologique ou naturaliste avec la localisation précise.
Vidéo: Naissance de jeunes Chalcides mionecton et de jeunes Chalcides ocellatus
Vidéo: Chalcides striatus dans la nature Sources:
fretey - Reptiles de franec - Hatier (1987)
Le Garff & Lescure - Etymologie des noms des amphibiens et reptiles - Belin (2005)
Lescure & De massary - Atlas de répartition des amphibiens et reptiles de France. Biotope (2013)
Vacher & Geniez - Les reptiles de France, Belgique, Luxembourg et Suisse - Biotope (2010) Vincent Noël - 27/03/2014