Pour une éthique terrariophile.

 
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Rabelais
 
La terrariophilie est l’objet d’attaques répétées, beaucoup voudraient la voir disparaître. Mis à part les « anti-captivité » fanatiques, de nombreuses critiques envers la terrariophilie sont justifiées surtout depuis qu’elle est popularisée par effet de mode et accessible à tout un chacun. Les éleveurs amateurs et les professionnels du secteur doivent impérativement prendre conscience des dégâts que la terrariophilie « sans limites » peut faire, notamment quand les animaux sont considérés comme des produits de grande consommation, dont l’origine, la mortalité et le bien-être sont totalement mis de côté au profit de la rentabilité économique.
Un terrariophile est aussi un citoyen, il est responsable de ses choix et de ses actes : le désir de posséder un animal ne justifie pas tout ; le respect de la loi, des autres citoyens, de la biodiversité et du confort animal doivent être les considérations premières de toutes pratiques d’élevage.
Ne pas respecter une certaine éthique, c’est ne pas être terrariophile, car ces comportements nuisent à l’image de la terrariophilie et donnent des arguments pour son interdiction. Seront complices de leur propre malheur ceux qui continuent à ne voir que leurs intérêts égoïstes et refusent de voir que la terrariophilie doit s’imposer des limites et se remettre en question.
 
1 : Le respect de la loi et de la sécurité des personnes. Tout citoyen a le droit de critiquer les lois, mais le devoir de leur obéir. De même, tout terrariophile doit s’assurer que ses animaux ne représentent aucun danger pour autrui. Les comportements qui consistent à pratiquer des manipulations intempestives pour « épater la galerie » ou pire, forcer des personnes phobiques à se confronter à un reptile, sont inacceptables et ne font qu’attiser les peurs au lieu de les combattre. Les évasions de reptiles peuvent déclencher de véritables psychoses, battage médiatique à l’appui, ils sont la pire publicité pour notre passion. S’il arrive à tout éleveur un jour d’avoir un serpent qui sort de son terrarium, cela reste une faute de sa part, et dans tous les cas il faut s’assurer par tous les moyens que l’animal ne puisse jamais quitter la pièce d’élevage ou l’habitation.
 
2 : Bannir les animaux issus de capture : Trop d’animaux sont encore aujourd’hui capturés dans la nature et vendus une bouchée de pain au grand public. La terrariophilie est en partie responsable de la raréfaction de centaines espèces à cause du commerce international du vivant. Certains scientifiques en sont réduits à ne pas divulguer dans leurs études l’origine de nouvelles espèces qu’ils décrivent de peur que des exportateurs ne pillent les milieux où elles vivent afin de revendre ces animaux aux « collectionneurs ». La capture de spécimens sauvages est nécessaire pour créer de nouvelles souches captives ou régénérer le patrimoine génétique des souches existantes, mais l’achat de spécimens prélevés en milieu naturel doit être réservé aux éleveurs aguerris et reconnus officiellement comme tel (par le certificat de capacité par exemple, même s’il est critiquable dans sa forme). L’éventail d’animaux nés en captivité est suffisant pour satisfaire les terrariophiles débutants ou ceux qui veulent un animal de compagnie. Il ne devrait plus y avoir d’animaux issus de captures dans les animaleries, accessibles au grand public car la mortalité lors de l’acclimatation et l’impact sur les populations sauvages sont bien trop importants.
 
3 : Respecter les espèces menacées : Au-delà des interdictions ou restrictions internationales ou européennes (CITES, convention de Berne), il est impératif que les éleveurs bannissent les espèces considérées menacées par l’IUCN sauf s’ils s’associent à un programme de reproduction en captivité dont les spécimens proviennent uniquement de souches captives et anciennes. S’informer sur l’état des populations sauvages avant d’acquérir un animal issu de capture tombe sous le sens pour peu qu’on ait le soucis de préserver l’herpétofaune, mais la plupart des « consommateurs lambda » qui veulent un animal de compagnie n’ont aucune conscience de cela. La communauté terrariophile doit se prononcer en faveur de la protection des espèces menacées même si cela réduit les possibilités d’acquisition. Elle se doit de condamner sans équivoque le trafic illégal d’animaux et de manière plus générale les captures en grandes quantités en milieu naturel.
 
4 : Connaissances préalables :
L’élevage des reptiles et amphibiens en terrarium ne s’improvise pas. Ce n’est pas parce que ces animaux sont vendus en animalerie qu’ils sont « calibrés » pour l’Homme ni « prêt à l’emploi » ! Ils ont des besoins particuliers liés à leur biologie et leur écologie, ne pas connaître ces principes de base c’est aller droit dans le mur. De manière générale, si on veut bien comprendre son comportement et ses besoins en captivité, il est primordial de s’informer sur l’herpétologie en général mais aussi l’espèce que l’on veut acquérir : sous quel climat elle vit, quels micro-habitats elle fréquente, ses mœurs, son alimentation….
 
5 : Devoir d’information lors d’une vente : Lors d’une vente, que se soit entre particuliers ou entre professionnels et particuliers, toutes les informations nécessaires au bien-être et à la réalisation des besoins fondamentaux de l’animal devraient être fournies, ainsi que toutes informations sur l’origine (né en captivité ou sauvage) et les mises en garde liées au futur de l’animal (longévité, taille adulte). La vente du vivant ne doit pas être considérée comme un commerce banal, on ne vend pas un animal comme on vend un objet ! Dans ce cadre là, il est évident que les animaux vendus soient en parfait état de santé et que les vendeurs se soient eux-même de parfaits « herpétophiles ».
 
6 : Réfléchir avant d’acheter : Mais les clients ne sont pas non plus dépourvus de toute responsabilité, ce sont des adultes responsables de leurs actes et malheureusement les achats impulsifs sont encore trop nombreux. Notre société de consommation qui veut répondre à tout désir n’importe quand par la profusion de biens et de services fait de l’achat « coup de tête » une véritable vertu des temps modernes ! Mais acheter un animal de terrarium nécessite de maîtriser par avance des connaissances (voir point 4). Ne faites pas l’économie de livres, d’articles ni de temps pour réfléchir et bien comprendre les fonctionnements de ces animaux, leurs besoins et comment gérer leur vie en captivité ! Internet est certes un outil fascinant, mais il n’est qu’un complément ! Trop de gens s’en remettent uniquement à internet et aux forums, mais rien ne remplace un livre ! C’est ainsi qu’on apprend le mieux.
 
7 : Privilégier le confort à l’envie d’avoir : La terrariophilie en « boites à chaussures » gagne de plus en plus de terrain. Pour avoir toujours plus d’animaux, assouvir le désir de posséder à tout prix voire augmenter le rendement en reproduction (et donc la rentabilité économique), le confort des animaux est mis de côté… Des raisons d’hygiène peuvent être invoquées, elles sont parfaitement cohérentes tant que cela ne verse pas dans les extrêmes comme la boite en plastique minuscule avec comme seul décor du papier journal ou des copeaux… ni branches, ni cachettes, ni plantes même en plastique, le serpent enroulé sur lui-même occupe la moitié du volume de la boite ! De nombreux éleveurs parviennent à d’excellents résultats en élevage dans des installations spacieuses et richement décorées tout en restant hygiéniques. Evidemment cela demande plus de place et plus de temps pour l’entretien, mais fait-on de la terrariophilie uniquement pour amasser et reproduire à tout prix ? Ou bien pour avoir des animaux qui se sentent à l’aise dans des terrariums où ils peuvent se déplacer et où ils ont tous les accessoires nécessaires à leur bien être ? Branchages, plantes artificielles, cachettes devraient faire partie du strict minimum ainsi que de vrais terrariums, pas des boites en plastique.
 
8 : La sélection artificielle :
Certaines phases engendrent des troubles physiques importants, des troubles neurologiques ou une espérance de vie réduite, mais l’esthétique (ou le profit) semble souvent l’emporter sur le bien-être animal ! D’autant plus que la nature offre suffisamment de belles espèces pour ne pas avoir à se lancer dans une course aux phases qui fini par fabriquer des monstres. Il serait nécessaire que des études scientifiques ou vétérinaires se penchent sur la sélection artificielle et son impact sur la santé des reptiles captifs. De plus, cette course aux phases fait qu’un tout petit nombre d’espèces sont élevées de manière intensive, avec un patrimoine génétique fragilisé et donc des animaux qui deviendront de plus en plus fragiles. Il n’y a alors aucune possibilité de revenir en arrière en injectant du sang « neuf » issu de souches sauvages car ce serait ruiner des générations de sélection. Cette grande variété de phases ne repose que sur quelques espèces, c’est un frein à l’élevage en captivité d’une plus grande variété d’espèces qui pourrait freiner le recours aux achats d’animaux capturés dans la nature mais aussi, ne pas enfermer la terrariophilie dans une standardisation.
 
9 : Amateurisme désintéressé : La terrariophilie est une passion, un loisir, dont l’objectif premier ne devrait pas être de faire de l’argent ! Mais c’est aussi une passion qui peut devenir fort lucrative. Tout amateur cherche à revendre ses reproductions à un bon prix, car élever des reptiles coûte cher et cela permet d’autofinancer son élevage. Néanmoins, dans certains cas, faire de l’argent est devenu le moteur de certaines pratiques d’élevage, avec une forte spéculation notamment sur les phases ou des transits permanents d’animaux achetés par-ci pour être revendus par-là, parfois au mépris des règles d’hygiène. Les animaux sont vus comme des reproducteurs avant tout, logés dans des conditions minimales de confort et d’espace afin de produire le plus possible. On peut se demander si c’est encore de la terrariophilie ou de l’élevage intensif ! L’amateurisme  doit rester désintéressé, c’est à dire qui ne met pas l’argent et la productivité au cœur de ses pratiques d’éleveurs.
 
10 : Partage des connaissances : Trop d’amateurs restent enfermés dans leur coin, refusant de partager leurs connaissances ou de contribuer à des publications. C’est dommage, car nous avons tous été des débutants et ravis de trouver de quoi se documenter. Le partage des connaissances c’est le moteur de l’amateurisme, c’est ce qui permet son évolution.
 
Libre à chacun de ne pas partager ces opinions et certains verrons un ton trop directif, trop "donneur de leçons", mais autant mettre les pieds dans le plat… L’avenir nous dira qui de ceux qui ne se posent aucune questions ou de ceux qui sont critiques auront eu raison. Mais heureusement, de plus ne plus de terrariophiles ont conscience de ces problèmes, des excès de la mode des NAC et se demandent si l’avenir de la terrariophilie ne passe pas par une véritable implication dans la sauvegarde de la biodiversité.

27 juin 2012 - V. Noël





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