Les Iguanes des Galapagos
Genres Amblyrhynchus et Conolophus
Vincent NOËL
Photos : wikimédia commons.
Photo: Deux Amblyrhynchus cristatus albemarlensis - Photo: charlesjsharp
L’archipel des Galapagos se situe dans le Pacifique, au niveau de l’équateur. C’est un ensemble d’îles volcaniques d’apparition récente et colonisées par la faune sud-américaine grâce aux radeaux naturels, c’est-à-dire des arbres arrachés à la côte occidentale de l’Amérique du sud ou centrale et ayant dérivé jusqu’à ces îles. Le phénomène de radeaux flottants est très courant et explique la présence de membre d’une famille à des milliers de kilomètres de ses cousins comme les Iguanes des Fidji qui vivent de l’autre côté du Pacifique. Ce moyen, involontaire, de colonisation des îles après des mois voire des années de dérive en pleine mer a été observé
in natura et n’est pas qu’une simple hypothèse, aussi incroyable que cela puisse paraître. Ainsi, les continents, leur faune et leur flore, communiquent entre eux via les débris dérivants, mais seules des animaux très résistants comme les insectes, ou les reptiles peuvent survivre aux très longs voyages.
Sur l’archipel des Galapagos, mis à part les otaries arrivées par la mer et à la nage et les chauves-souris qui, comme les oiseaux et certains insectes, sont arrivés par les airs, il n’y a pas de mammifères terrestres… du moins jusqu’à l’arrivée de l’Homme qui y a introduit chèvres, rats, chats, chiens, porcs ou cerfs. A l’abri de la prédation mammalienne (chauves-souris et otaries étant inoffensives pour les reptiles), de nombreuses espèces de reptiles ont évolué vers le gigantisme en particulier les iguanidés et les tortues. Chaque île, selon sa position par rapport aux vents, son altitude, son âge, son sol, est couverte d’une végétation différente. Certaines îles arides ne sont peuplées que d’herbes sèches, de cactus et de quelques rares arbustes, d’autres sont couvertes de forêts plus ou moins épaisses.
Les européens furent les premiers humains à mettre pieds sur ces îles en 1535, aucune population indigène n’y vivait auparavant. Les espagnols y établirent dès le début leur domination mais ne colonisèrent ces îles que tardivement pour y établir une colonie pénitentiaire. En revanche, les Galapagos furent une escale très prisée des marins de toutes nationalités. Les iguanes étaient mangés et les tortues embarquées pour être cuisinées plus tard car elles survivaient longtemps sur les bateaux. Cet archipel appartient aujourd’hui à l’Equateur, ce petit pays de la côte ouest de l’Amérique latine.
On dit souvent que Charles Darwin, en débarquant sur ces îles lors de son tour du monde en 1835, y eut un déclic lui faisant réaliser les mécanismes de la sélection naturelle. Cette vision est caricaturale, car en effet, le processus intellectuel qui mena Darwin à ses théories évolutionnistes se fera lentement, à son retour en Angleterre et notamment en étudiant les races domestiques d’animaux. Toutefois, tout comme les fossiles des Andes qu’il observa quelques mois plus tôt, les tortues des Galapagos le fascinèrent et l’ont convaincu que les espèces n’étaient pas immuables. Pourtant il n’en eu conscience qu’à son retour, regrettant amèrement de ne pas avoir noté l’origine exacte des spécimens de tortues récoltées. En ce qui concerne les iguanes, on ne peut pas parler de fascination ! Le jeune naturaliste victorien les trouvaient « hideux » et « stupides », les ravissants petits pinsons l’ont bien plus intéressé. Pourtant, il n’est pas un documentaire ou un livre traitant de l’évolution qui n’utilise pas les iguanes des Galapagos comme illustration de l’intuition de Darwin et désigne les Galapagos comme un « laboratoire de l’évolution ».
Mais attention, il y a de nombreuses confusions. On qualifie souvent les iguanes des Galapagos come des fossiles vivants, témoins des âges antédiluviens et notamment de l’époque des dinosaures. Rien n’est plus faux, les espèces des Galapagos ne peuvent être plus anciennes que les Galapagos elles-mêmes c’est-à-dire moins de 10 millions d’années et non 65.
Là où ces animaux sont très intéressant du point de vue de leur évolution, c’est leur conquête de niches écologiques, avec adaptation de leur morphologie et leur métabolisme qui n’étaient pas celles de leur ancêtre commun débarqué sur l’île. Durant les millions d’années, deux grands types d’Iguanes des Galapagos se sont séparés : les iguanes marins du genre
Amblyrhynchus, avec une seule espèce (
A. cristatus) et les iguanes Terrestres du genre
Conolophus.
L’iguane marin (Amblyrhynchus cristatus BELL 1825)
L’espèce
A. critstatus est scindée en 7 sous-espèces, chacune vivant sur une île particulière, dont la plupart ont été décrites dans les années 1950-60 par l’autrichien Irenaüs Eibl-Eibesfeldt:
A. c. cristatus BELL 1825. (île Fernandina)
A. c. albemarlensis EIBL-EIBESFELDT 1962 (île Isabela)
A. c. hassi EIBL-EIBESFELDT 1962 (île Santa Cruz)
A. c. mertensi EIBL-EIBESFELDT 1962 (île San Cristobal)
A. c. nanus GARMAN 1892 (île Genovesa)
A. c. sielmanni EIBL-EIBESFELDT 1962 (île Pinta)
A
. c. venustissimus EIBL-EIBESFELDT 1956 (île Hispaniola)
Avec les tortues géantes c’est le reptile le plus emblématique des Galapagos. L’image de ces troupes d’Iguanes de couleur sombre et rougeâtre, la tête blanchie par les dépôts de sels expulsés par leurs grandes nasales, entassés les uns à côté des autres, est un grand classique des « images d’Epinal » de ces îles du Pacifique. Ces animaux sont parfaitement adaptés à la vie en milieu marin. Ils possèdent de larges pattes griffues qui ne servent pas à nager, car pour cela ils se servent de leur queue aplatie, mais pour s’agripper aux rochers ballottés par la houle. Ils se nourrissent essentiellement d’algues marines, les broutant sur les rochers soit à marée basse, soit en pleine eau, à quelques mètres de profondeur. Régulièrement ils retournent sur la berge et se réchauffent car l’eau leur fait rapidement perdre de la chaleur, le refroidissement nuisant à leur déplacements. Selon l’IUCN, il existe 200 à 300 000 individus, l’espèce est classée comme vulnérable et est intégralement protégée par le gouvernement équatorien. Ces lézards souffrent néanmoins du tourisme dont ils sont pourtant les stars, de l’accroissement démographique humain ainsi que des rats ou des animaux domestiques échappés qui ont sans doute fait disparaître des populations sur certaines îles. Heureusement, il existe encore des îles vierges de tout animal invasif de ce type hormis du singe de l’espèce
Homo sapiens.
Genre Conolophus
Ces Iguanes des Galapagos sont de très proches cousins du genre
Amblyrhinchus, ils furent d’ailleurs d’abord nommés dans ce genre par l’anglais John Edward Gray en 1831, puis c’est encore un autrichien, Franz Steindachner, en 1876, qui créera le genre
Conolophus. Ce sont des espèces strictement terrestres, bien plus menacés que leurs cousins marins, le nombre d’iguanes terrestres de ce genre est estimé à entre 5 et 10 000 spécimens. Ces iguanes ont disparus de nombreuses îles des Galapagos, des espèces endémiques se sont probablement éteintes sans avoir été décrites. La chasse directe mais surtout l’introduction de rats pillant les pontes enterrées dans le sol ou de chèvres leur menant une trop forte concurrence alimentaire sont la principale cause de leur raréfaction. Ces gros lézards atteignent 100 à 120 cm dont la moitié pour la queue. Ils sont massifs, principalement terrestres et se nourrissent de feuillages mais surtout des cactées, très abondants, et de leurs fleurs. Des cas d’hybridations avec les iguanes marins ont été observés, les hybrides sont viables mais sans doute stériles.
On connait 3 espèces actuellement :
C. pallidus, qui habite l’île de Santa Fe et
C. subcristatus, première espèce décrite par Gray en 1845, la plus répandue, que l’on la rencontre sur les îles de Fernadina, Santa Cruz, Isabela, North Seymour, Hood et South Plaza (Godlewski, 2010).
La dernière espèce décrite de ce genre fut
C. marthae, reconnaissable à sa coloration rose. Connue depuis les années 1980, elle n’acquis néanmoins le statut d’espèce qu’en 2009. Elle vit sur une zone très restreinte du parc national des Galapagos, sur l’île d’Isabela. C’est une espèce en danger critique d’extinction, sa population est estimée à 100 individus.
Photo: Conolophus sur Fernandino Island - Photo: charlesjsharp
Ces deux genres sont classés en annexe II de la convention de Washington (CITES), ce qui en théorie, autoriserait leur commerce limité par des quotas d’exportation, toutefois, le gouvernement équatorien a totalement protégé ces reptiles et n’en exporte pas, il n’existe quasiment aucune population captive hormis dans quelques zoos, ces espèces sont, pour l’amateur, introuvables. Si les espèces terrestres pourraient être élevées comme des Iguanes terrestres du genre
Cyclura par exemple, les besoins spécifiques de l’iguane marin rendent son élevage en captivité très compliqué. Bref, pour admirer ces animaux rares et précieux, il faut aller aux Galapagos, ce qui vaut le coup pour bien d’autres choses, mais attention ! Le tourisme est également considéré aujourd’hui comme un danger pour ces animaux victimes de leur succès.
Sources :
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Burghardt G. M. & A. S. Rand – 1982. Iguanas of the world. Noyes Press.
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Collectif – Situla spécial Iguanidés. Revue de l’association française de terrariophilie.
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Darwin C. Voyage d’un naturaliste autour du monde à bord du Beagle (traduction d’E. Barbier, 1875)
Sites internet
Tiliqua, site consacré aux lézards. ISSN 2118-5492 – Mars 2013.
http://tiliqua.wifeo.com
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