Vincent NOËL.
18 janvier 2015.
C'est l'autre espèce de « lézard des murailles » que l'on rencontre en France continentale. Il ressemble à s'y méprendre à Podarcis muralis et dans les régions où les deux espèces se côtoient, seul un œil averti peut les distinguer.
Cette espèce était autrefois liée à Podarcis hispanicus, dont la répartition couvrait toute la péninsule ibérique et le sud-est de la France. Les populations françaises étaient assimilées à la sous-espèce cebennensis, les populations des Pyrénées-Orientales elles étaient classées sous P. hispanicus hispanicus. Mais le taxon P. hispanicus s'est avéré être un complexe d'espèces des plus... complexe ! Aujourd'hui encore, le statut de toutes les populations de P. hispanicus n'est pas éclairci, et en 2014, deux espèces ont été décrites, issues toutes deux de P. hispanicus. C'est en 2010 que P. liolepis fait son apparition avec Renoult et al.
Il a en effet été montré que les populations du nord-est de la répartition de P. hispanicus formaient une espèce à part. Cette espèce fut un temps nommée Podarcis atrata (ou atratus si on accorde correctement avec le genre Podarcis qui est masculin). Mais le taxon liolepis est plus ancien : il nous vient de George A. Boulenger qui décrivit une population du nord-est de l'Espagne sous Lacerta muralis var. liolepis en 1905. Le taxon P. atratus est aujourd'hui considéré comme un synonyme de P. liolepis.
P. liolepis est répandue sur un large territoire au nord-est de l’Espagne ainsi que le sud-est de la France et le Pays-Basque. En France, il est présent sur les 4 départements bordant la Méditerranée à l'ouest du Rhône : Pyrénées-Orientales, Hérault, Aude et Gard ainsi qu'au sud du Massif Central, en Ardèche, au sud de la Lozère et au sud-est de l'Aveyron, à l'est du Tarn et sur une bonne partie de l’Ariège. Il est plus rare en Haute-Garonne. Le Rhône forme la frontière orientale de sa répartition même s'il a été sporadiquement et très récemment observé de l'autre côté du fleuve dans la Drôme et le Vaucluse, il est trop tôt pour dire si l'espèce va profiter des ponts traversant le Rhône pour s'étendre vers l'est.
Les populations du sud-est de la France appartiennent à P. liolepis cebennensis (qu'on ne trouve qu'en France) sauf celles de l'est des Pyrénées-Orientales et de l'Aude (plaines du Roussillon) qui appartiennent à la sous-espèce espagnole, P. liolepis liolepis atteignant là sa limite septentrionale. Dans les Pyrénées-Orientales et l'Aude, ces deux sous-espèces sont en contact et s'hybrident comme le montrent les observations de spécimens aux morphes intermédiaires. Une petite population de P. liolepis liolepis a été observée dans l'agglomération de Toulouse, loin de son aire de répartition naturelle ; il s'agit très probablement d'une introduction. Au Pays-Basque, on trouve la sous-espèce P. l. sebastiani qui ne s’observe à l’extrême ouest des Pyrénées-Atlantiques, près de la frontière espagnole.
Le petit insectivore diurne, agile et territorial recherche des habitats ouverts, secs et ensoleillées, affectionnant surtout les milieux rocheux. En cas de cohabitation avec P. muralis, il y a un partage de l'habitat : P. muralis vit davantage au niveau du sol et P. liolepis en hauteur sur les rochers. Il est présent jusqu'à 1285 m d'altitude dans le sud du Massif Central et 1651 m dans les Pyrénées. Cette espèce est souvent observée en hiver quand il fait beau. Il se reproduit dès la fin de l'hiver (mi-février) et jusqu’en été. Il peut y avoir jusqu'à trois pontes par an. L'espèce n'est pas menacée mais est tout de même protégée.
La distinction entre P. liolepis et P. muralis n'est pas évidente, ces deux espèces se ressemblant vraiment beaucoup : deux lézards au corps fin et légèrement aplati, de couleur brune, le dos marqué de marbrures sombres chez les mâles, de bandes brunes foncées chez les femelles. Podarcis liolepis est néanmoins légèrement plus petit que P. muralis, le museau est plus pointu et le corps un peu plus aplati mais ces différences sont difficiles à observer quand on n'a pas l'habitude et surtout si on n'a pas des spécimens des deux espèces à comparer. Le Lézard catalan mesure 15-16 cm de longueur totale au maximum (pour 6 cm de LMC max.) alors que le Lézard des murailles peut atteindre 18-19 cm, là encore c'est très relatif et ne peut servir véritablement d'indice sur le terrain.
Quels critères peut-on utiliser ? Avant tout , la répartition : vous ne verrez pas de L. liolepis ailleurs que dans le sud-est de la France ou au Pays-Basque. Toutefois, il faut être vigilant dans les départements où il est rare comme la Haute-Garonne, l’Ardèche ou la Haute-Loire ; ainsi que sur la rive est du Rhône dans les départements des Bouches du Rhône, du Vaucluse et de la Drôme. Toute observation sûre dans ces départements est à signaler.
Physiquement, en comparaison avec P. muralis, P. liolepis se démarque par :
Une plaque massétérique (écaille plus large située derrière l'oiel) plus réduite voire absente.
Les écailles du corps sont plus petites et plus nombreuses.
L'absence de tache à l'insertion des pattes. L'un des critères les plus visibles, même s'il faut le recouper avec les autres, c'est l'observation de la coloration au-dessus des pattes antérieures : Chez P. muralis on observe une tâche sombre à cet endroit, parfois ornée d'une tache blanche ou bleue au centre. Chez P. liolepis, l'insertion des pattes est brun, de la même couleur que le reste du corps, dépourvu de tache noire.
L'iris est souvent blanc-gris voire jaune-orange alors qu'il est toujours orange vif voire rouge chez P. muralis.
La gorge est ornée de points noirs bien marqués, mais beaucoup plus petits que chez P. muralis sont les taches sont également de forme irrégulières et souvent en contact ente elles. Ces points noirs sont cantonnés en bordure extérieure de la gorge, sous les lèvres, alors que toute la gorge est maculée chez P. muralis.
Le ventre est généralement blanc du moins chez P. l. cebennensis, car chez P. l. liolepis il est souvent saumon à rouge et orange chez P. l. sebastiani,, plus proche de P. muralis. En revanche, il est la plupart du temps immaculé.
A noter que la différence de motifs entre mâles et femelles est présente dès le plus jeune age chez le lézard catalan, alors que les jeunes lézard des murailles ressemblent tous à des femelles.
Quelques photos de comparaison dans cet article de Pascal Dubois : http://pdubois.free.fr/Podarcis.pdf
Sources :
Lescure, J. & Massary, J.-C. de (coords) 2012. Atlas des Amphibiens et Reptiles de France. Biotope, Mèze & Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (collection Inventaires & Biodiversité). 272 pp.
Renoult, J. P.; P. Geniez, P. Bacquet, C. P. Guillaume, & P.-A. Crochet 2010. Systematics of the Podarcis hispanicus-complex (Sauria, Lacertidae) II: the valid name of the north-eastern Spanish form. Zootaxa 2500: 58–68
Vacher J-P & Geniez P. 2010. Les reptiles de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Biotope éditions.
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