Réformer le statut de l’animal : vrai progrès ou gadget symbolique ?


Publié dans Reptil’mag n°59 (février 2015)

En octobre 2013, un collectif d’intellectuels a lancé une pétition pour que soit réformé le statut de l’animal, considéré comme « bien meuble » par le code civil. En avril 2014, un amendement du code civil est adopté par le parlement. L’article 515-14 dudit code stipule donc que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Pour les défenseurs de la cause animale, c’est un pas en avant mais l’assimilation aux biens limite considérablement la portée de cet article. Pour certains éleveurs, c’est un danger de plus pour leurs droits. Une telle réforme changera-t-elle quelque chose ? Y’a-t-il vraiment un antagonisme entre défendre les droits des animaux et être terrariophile ?

Si le code civil était en effet muet sur le droit des animaux jusqu’à la promulgation de cet article, la loi française dans son ensemble ne l’est pas. En effet, l’article L214-1 du code rural considère que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». L’amendement du code civil a surtout le mérite de rendre plus cohérents les différents codes mais il est avant tout symbolique. Dans les faits, cela ne changera pas grand-chose d’autant que des lois protégeant les animaux de la destruction ou de la maltraitance existent déjà, mais elles  ne sont pas, peu ou mal appliquées.

L’article L214-3 du code rural stipule : « Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. » Or, que ce soit dans l’élevage à des fins alimentaires ou d’agrément,  les transgressions de cette loi sont légion : la légalité de la corrida est en le plus pitoyable exemple, une véritable honte pour notre Nation ! De même, l’article R214-23 stipule que « La sélection des animaux de compagnie sur des critères de nature à compromettre leur santé et leur bien-être ainsi que ceux de leurs descendants est interdite ». Or, cette loi est peu appliquée, entre autres en terrariophilie où sont cultivées des « phases » impactant négativement la santé des animaux.

On voit donc que les choses sont bien plus compliquées que le simple fait d’accorder un statut à l’animal entre deux articles du code civil. Si déjà, les lois actuelles étaient appliquées, si l’Etat embauchait suffisamment d’agents (ONCFS, DDPP…) qualifiés et ayant des moyens pour agir et faire appliquer la loi, si on se débarrassait des incohérences dans l’application de ces lois et enfin, si l’Etat s’impliquait vraiment dans la sensibilisation du public pour opérer un changement de mentalité dans nos rapports avec l’animal, de véritables progrès seraient effectués ! Or, actuellement, des lois sont pondues pour donner un os à ronger aux écologistes mais restent des coquilles vides sans plans d’action, sans budget, sans véritable volonté politique d’en faire autre chose que des bonnes intentions.

Et que dire du statut « commercial » de l’animal considéré comme un produit de grande consommation « prêt à l’emploi » ! Il y aurait là de sérieuses réformes à mettre en place pour moraliser ce commerce. S’il y a très peu de chances qu’un gouvernement saborde une économie aussi florissante que le commerce du vivant, il peut cependant l’inscrire dans un développement durable, mettre en place une obligation de résultats en matière de bientraitance et reconnaitre que ce n’est en rien un commerce comme un autre. Néanmoins, la terrariophilie, en tant que discipline pouvant se pratiquer dans le respect des animaux et de leur bien-être, ne doit pas être considérée comme responsable des dérives mercantiles de notre société capitaliste… en particulier les amateurs qui sont des cibles faciles.

Faut-il craindre pour nos droits ?

Accorder à l’animal un statut pour qu’il ne soit plus considéré comme une vulgaire chose jetable mais comme un être sensible qui a droit au bien-être ne devrait toutefois pas effrayer les éleveurs, au contraire, beaucoup d’entre nous y adhèrent sur le principe tout en rejetant les préjugés qui nous montent comme d’infâmes geôliers dénués de morale !

Ces préjugés sont notamment véhiculés par des groupes extrémistes de la cause animale. Les « véganiens » les plus fanatiques par exemple, sont des « anti-captivité » radicaux. Leur discours - aucun animal ne doit être détenu captif - est totalement irréaliste et surtout dangereux car dogmatique et fascisant. Interdire totalement tout élevage et mise à mort d’un animal c’est interdire la détention des animaux y compris domestiques et nous transformer tous en végétaliens… et ce n’est là que le moindre mal, car ce serait aussi faire disparaître la recherche médicale et la fabrication de certains vaccins ou remèdes comme la sérothérapie qui ont besoin de l’expérimentation animale. Néanmoins, ces ultra-fanatiques ne sont qu’une minorité, visible et agitée, mais minoritaire quand même. D’autres groupes de pression, ayant l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que notre société ne peut pas se passer de l’exploitation des animaux, revendiquent une amélioration conséquente de leur qualité de vie. Quand on voit comment sont élevés les poulets en batterie, comment sont maltraités certains chiens ou chats et dans quel état on récupère des iguanes verts ou des Tortues grecques chez de nombreux particuliers, on ne peut qu’être d’accord avec ce principe !

Néanmoins, l’élevage des animaux non domestiques n’a pas la côte et bien souvent, ces groupes très influents au niveau national et européen, veulent son interdiction ou du moins, une législation si stricte qu’elle en empêcherait de fait l’élevage amateur. Il y a aurait donc un double combat à mener pour sauvegarder la terrariophilie : D’une part, l’assainir en luttant contre la maltraitance ordinaire qui accompagne souvent l’effet de mode et l’animal comme produit de grande consommation… Il faut lutter pour que jamais le gecko léopard ne devienne un nouveau poisson rouge avec comme conséquence le « génocide » dont ce pauvre poisson est victime. Il faut travailler sans cesse à améliorer les conditions d’élevage de nos animaux, même s’il faut parfois remettre en question certaines pratiques d’élevage comme les racks, même s’il faut  savoir réprimer notre envie de posséder et faire passer la qualité avant la quantité. En même temps, il faut aussi lutter contre ceux qui, par idéologie ou par préjugés, considèrent l’élevage d’animaux non domestiques comme une infamie qui doit être interdite. Le droit d’élever des reptiles, amphibiens, insectes doit être défendu, un droit également garanti par le fameux article L214 du code rural…

Vincent NOËL

A voir : Pronatura France : pour une protection, non anthropomorphiste des animaux. www.pronatura-france.fr/
La terrariophilie oui, mais pas à n’importe quel prix sur le site de la Société herpétologique de France (page de la commission de terrariophilie) : http://lashf.fr

 



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