L'orvet fragile, Anguis fragilis ... suite.


Attention où vous mettez les pieds!!! Discret, l'orvet est souvent écrasé par les promeneurs ou les cyclistes.

 

L’Orvet est la proie de très nombreux prédateurs : petits mammifères carnivores, autres reptiles et en particulier la Coronelle lisse, rapaces diurnes, ou nocturnes, corvidés ainsi que les faisans de Colchide qui étaient soupçonnés un temps d’avoir éliminé les orvets du grand-duché du Luxembourg (Fretey 1987). Détecter rapidement un prédateur est donc vital. Une étude espagnole (Cabido & al. 2004) a d'ailleurs montré que l’Orvet était capable de différentier l’odeur d’un animal qui représente pour lui un prédateur d’un animal qui n'en est pas un. Les chercheurs ont présenté à des orvets des odeurs de serpents comme la Coronelle lisse (Coronella austriaca), grande mangeuse de sauriens, et l’odeur d’autres animaux inoffensif pour un orvet mais qu’il côtoie en milieu naturel comme le Seps strié (Chalcides striatus). Ils ont observé que les orvets ayant détecté l’odeur d la Coronelle exhibent beaucoup plus leur langue, comportement typique montrant qu’il cherche à mieux identifier un éventuel prédateur ; ils ont aussi montré des comportements de défense ou des tentatives de fuite… Comportements peu observés quand ils ont été soumis aux odeurs de « non –prédateurs ». On voit là que la vomérolfaction, la détection des odeurs via la langue et l’organe de Jacobson, est très importante chez ce lézard non seulement pour repérer des proies ou un partenaire sexuel, mais aussi pour détecter des prédateurs.
 


Queue d'orvet sectionnée par réflexe d'autotomie... Son propriétaire a pu s'enfuir!

 

Il est également victime des pesticides, des débroussailleuses, des tondeuses à gazon, des incendies, des voitures ou des cyclistes qui lui roulent parfois dessus intentionnellement… plus généralement, comme tous les lézards, il est victime de la destruction de la nature et de la cruauté gratuite dont l’intensité et l'universalité caractérise notre espèce.
 

L’espérance de vie de cette espèce est toutefois assez longue : en captivité, un record de 54 ans est signalé par al littérature, mais dans la nature il vit bien moins longtemps, probablement pas plude 10-20 ans, ce qui est déjà beaucoup par rapport aux autres lézards de nos régions.
 

 

A gauche un vieux mâle à points bleus (on ne les voit pas bien), à droite une femelle marquée par des cicatrices dues aux morsures lors des accouplements.


Bien qu'il s'agisse d'un des reptiles les plus communs d'Europe de l'ouest et que la bibliographie à son sujet est conséquente, sa vie en milieu naturel n'est pas si bien connue que ça notamment à cause de sa discrétion qui le rend difficile à observer. Ce petit lézard atypique a encore beaucoup de choses à nous apprendre.


Croiser un orvet dans votre jardin est un événement qui arrivera au moins une fois dans votre vie, si ce n’a pas déjà été le cas. Cela peut arriver en soulevant un pot de fleurs, un tas de végétaux humides, en retournant votre compost, en dégageant une veille plaque en tôle qui traînait là au fond du jardin… bref, tous les abris où ce petit lézard peut trouver refuge, tranquillité, humidité et nourriture… Mais vous pouvez aussi le croiser au petit matin en train de se réchauffer au soleil dans le gazon ou près du potager. C’est toutefois un animal timide qui soit reste caché et invisible soit s’enfuit discrètement à votre approche. Il peut arriver qu’un orvet se perde dans une maison, ou plus souvent dans une cave ou au fond d’un arrosoir. Il faut évidemment le laisser tranquille, et s’il vous dérange parce qu’il est rentré dans votre habitation ou qu’il semble en danger, vous pouvez le capturer dans un seau et le déposer un peu plus loin : évitez de le saisir avec les mains pour ne pas risquer de lui couper la queue, il pourrait en avoir besoin pour échapper à un prédateur... un vrai ! Il faut rappeler que c’est une espèce protégée et totalement inoffensive et qu'il est aussi interdit qu’inutile de le tuer ! Il n’est pas venimeux, ne mord pas, ne sent pas mauvais, ne fait aucun dégât, ne propage aucune maladie, c’est même un bon insecticide biologique (à condition de ne pas l’empoisonner avec des insecticides chimiques !)… la plupart du temps, ceux qui le tuent c’est parce qu'ils le confondent avec un serpent. Les reptiles sans pattes trimballent avec eux des préjugés irrationnels et archaïques qui les font passer pour des « sales bêtes du démon ». A chacun de voir s’il veut garder son cerveau dans le Moyen-Age ou le faire entrer dans le XXIème siècle…
 

Dans la nature l’orvet est plus actif entre avril et juin, en plein été il sort moins, ou seulement si le temps est humide. Il est d’ordinaire diurne mais reste discret sauf le matin quand il s’expose au soleil. On peut alors l’observer au bord des chemins, sur un tas de végétaux ou sur une pierre plate. Il ne s’enfuit pas tout de suite surtout si le fond de l’air est encore frais et que son corps est encore un peu engourdi. On peut même le regarder de près à condition de s’approcher doucement : beaucoup des photos que j’ai réalisé de ce lézard ont été faites au printemps, le matin avant 10h et j’ai pu approcher mon objectif à moins de 10 cm sans les faire fuir. Pour s'abriter, il affectionne toute particulièrement les souches et autres morceaux de bois larges tombés à terre, se faufilant dessous. Les bâches et plaques de fibrociment ou des dalles abandonnées dans la nature sont également très appréciées comme cachette, on peut même l'y surprendre à cohabiter avec un petit rongeur, un lézard, une grenouille ou même, un serpent.

 
Sous une pierre, un très jeune orvet (en bas) en compagnie d'un petit lézard des murailles (en haut) (Pfaffenhoffen - Bas-Rhin)
Mâle très clair d'Anguis fragilis (Ingwiller - Bas-Rhin)
Jeune mâle en train de passer de la coloration juvénile à adulte? Remarquez que chez sa queue est entière.
 

Cabido C., Gonzalo A., Galàn P., Martìn J. & Lopez P. 2004. Chemosensory predator recognition induces defensive behavior in the slow-worm (Anguis fragilis). Can. J. Zool. 82 (510-515).

Fretey J. 1987. Le guide des reptiles de France. Hatier

Graitson E., Mutaret J. & Geniez P. 2012. Les orvets à points bleus Anguis fragilis Linnaeus, 1758 (Sauria, Anguidae) en Belgique et en France : Répartition, phénologie et fréquence. Bull. Soc. Herp. de France 142-143 (107-121)


Lescure J. & De Massary J-C 2013. Atlas de répartition des Amphibiens et Reptiles de France. Biotope éditions.

Vacher J-P & Geniez P. 2010. Reptiles de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Biotope éditions.


 



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