La classification des scincidés.
 
Vincent NOËL

 
 

Trachylepis quinquetaeniata.

Squamates – scincomorphes – scincidés.

Les grandes familles comme les scincidés, avec plus de 1 500 espèces, ou celle des colubridés pour les serpents, ont toujours posé de gros soucis aux systématiciens, ces scientifiques qui s'occupent de classer le vivant. La famille des scincidae a été créé en 1811 par Oppel, même si d'autres attribuent sa paternité à Gray (1825). C’est la seconde plus grande famille de reptiles après les colubridés. Toutefois, l’unité de cette famille fait débat. En effet, certains pensent qu’il s’agit de familles différentes, d’autres non.

Les scinques font partie du groupe des scincomorphes (scincomorpha). Vidal & Hedges (2005) dans leur révision globale de la classification phylogénétique des squamates (serpents et lézards) proposent le nom de Scinciformata. Lecointre et Le Guyader, dans le tome 2 de la « classification phylogénétique du vivant » (2013), bien que se basant sur les travaux de Vidal & Hedges reprennent le terme scincomorphes (scincomorpha) que d’autres utilisent aussi.

Ce groupe des scincomorphes comprend trois autres petites familles très proches parents des scincidés, de moins de 30 espèces chacune: les xantusiidés vivant en Amérique du nord, les cordylidés et les gerrhosauridés que l’on trouve en Afrique sub-saharienne et à Madagascar. Jusqu’à récemment, l’infra-ordre des scincomorphes comprenait d’autres familles qui n’en font plus partie aujourd’hui. On y trouvait déjà les xantusiidés, gerrhosauridés et cordylidés, mais également les lacertidés (la famille qui regroupe nos lézards des murailles et autres lézards verts bien de chez nous) qui aujourd’hui sont considérées comme bien plus éloignées des scincomorphes, rangés dans un groupe distinct, les latérates.

La classification d’une si vaste famille est forcément complexe. La division en sous-familles a longtemps fait débat, un débat relancé ces dernières années. Celle proposée par Allen E. Greer en 1970 est encore très présente dans la littérature puisque jusque récemment, elle faisait autorité. Greer a distingué quatre sous-familles : les scincinés, qu’il considérait comme le groupe le plus basal avec notamment des espèces nord-africaines comme les Eumeces ; les felyninés où il n’y a qu’un seul genre (Feylinus spp.) comprenant 6 espèces ; les acontianinés, une sous-famille africaine qui doit son nom aux scincidés apodes du genre Acontias ; et enfin, la plus vaste, celle les lygosominés regroupant 90% des scincidés.

Dans la classification de Greer, 5 principaux groupes d’espèces sont distingués au sein des lygosominés. Le groupe Sphenomorphus comprend un peu moins de la moitié des membres de cette sous-famille, on y trouve de nombreuses espèces australasiennes (Australie et sud-est de l’Asie) mais aussi nord-américaines comme Scincella spp. et méditerranéennes comme Ablepharus spp. Le groupe Eugongylus comprend un nombre légèrement supérieur d’espèces, on y trouve des taxons africains (Afroablepharus) mais surtout australasiens. Le groupe Egernia est plus restreint mais comprend des espèces très particulières, notamment par leur taille avec les plus grandes espèces de scincidés, leurs comportements alimentaires, sociaux et parentaux. On y trouve exclusivement des espèces australiennes et néo-guinéennes (Tiliqua, Egernia, Cyclodomorphus) ainsi que des îles alentours comme les îles Salomon avec Corucia zebrata. Enfin le groupe Mabuya, qui tient son nom du vaste genre Mabuya aujourd’hui scindé en plusieurs genres (Eutropis, Trachylepis, Chioninia…) que l’on trouve en Afrique, en Eurasie et en Amérique.

En 2012, les travaux de Hedges & Conn (une monographie de 244 pages !) changent radicalement la donne. Ils affirment que certains groupes de scinques sont à considérer comme des familles à part entière et proposent 7 familles : (Acontiidae, Egerniidae, Eugongylidae, Lygosomidae, Mabuyidae, Scincidae et Sphenomorphidae). Une classification contestée par Pyron & al. en 2013. Cette étude concerne les squamates en général, avec l’analyse génétique de 4  161 espèces de lézards et serpents… excusez du peu ! Elle renforce d’une part les phylogénies proposées par Townsend & al. (2004), puis celles de Vidal & Hedges (2005, 2009). Cette étude distingue trois sous-familles, reprenant à peu de choses près les mêmes que Greer : les acontianinés, les scincinés et les lygosominés. Aux scincinés ils incorporent le genre Feylinus, auparavant placé dans un groupe à part, mais qui partage en réalité le même ancêtre commun que les scincinés. Dans cette étude, Pyron et al. contestent certains choix fait par Hedges & Conn, comme l’éclatement de la famille des scincidés en plusieurs familles divisées en sous-familles. Hedges estime que le placement en familles à part entière faciliterait le travail des chercheurs, Pyron & al. y voient une complexification inutile…

En 2014, Hedges « répond » aux objections et renforce sa classification en proposant de scinder la famille des scincidés en 9 familles distinctes répartis dans 3 super-familles : les Lygosomoïdes, les Scincoïdes et les Acantoïdes. Il ajoute au sein des Lygosomoïdes deux nouvelles familles : les Ristellidés 14 espèces (genres Lankascincus et Ristella) et les Ateuchosauridés  (2 esp.).

Le débat n’est donc pas clos… Il est affaire de spécialistes et je n’ai pas les compétences pour le décortiquer, on y verra sans doute plus clair dans quelques années !

Si on se réfère à la « Reptile-database » (consulté le 12 avril 2016), on distingue 7 sous-familles :
  • Mabuyinés : Comprend 192 espèces de différents continents. A noter qu’y est par exemple placé le genre Dasia, considéré auparavant comme proche du genre Lamprolepis au point que des espèces de ce dernier genre furent longtemps classées dans le genre Dasia, néanmoins, le genre Lamprolepis est désormais attaché à la sous-famille des lygosominés.
  • Egerniinés : Se compose de 58 espèces de scinques australiens et néo-guinéens ainsi que d’îles limitrophes. On y trouve les genres Tribolonotus, Egernia, Tiliqua, Corucia… Ces scinques montrent souvent des comportements sociaux et parentaux assez complexes.
  • Lygosominés : 52 espèces composent cette sous-famille, ils sont présents en Afrique et en Asie tropicale.
  • Eugongylinés : vaste groupe de 429 espèces.
  • Sphenomorphinés : C’est la plus grande sous-famille de scincomorphes avec 566 espèces.
  • Scincinés : comprend 279 espèces.
  • Acontinés : 26 espèces toutes apodes et originaires d’Afrique (genres Acontias et Typhlosaurus)

  • Acontias percivali (Richard001 – wikimedia commons)

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