Les varans savent parfois tirer partie de la présence humaine, même de la pire!

Même s’ils sont des prédateurs, voire des super-prédateurs pour les plus grands d’entre eux, les varans sont aussi des proies potentielles. Un varan de Komodo adulte ne craint personne, un gros varan du Nil peut se faire attaquer par de très grands serpents comme le Python de Seba ou des fauves, mais rares sont ses prédateurs et il sait se défendre. Les juvéniles en revanche et les petites espèces ont de nombreux prédateurs, y compris leurs propres cousins ou les adultes de leur espèce. Rapaces et autres gros oiseaux, serpents, gros lézards, crocodiles, félins, canidés font partie des prédateurs. Pour leur échapper, les petites espèces n’ont que la fuite dans un abri, sous un rocher, une souche, dans la végétation... Toutefois, contrairement à beaucoup de lézards comme les petits lézards des murailles de nos jardins, les varans ne peuvent pas sacrifier leur queue pour sauver le reste : ils ne sont pas capables d’autotomie, ce réflexe qui permet de sectionner vertèbres et muscles d’une section de la queue et de facilement l’abandonner à son prédateur. Ils sont toutefois rapides, tojours vigilants et ne s’éloignent pas d’un abri. Les grandes espèces elles, optent pour l’intimidation et l’affrontement : les varans sont des reptiles colériques ! La réaction typique du grand varan pas content consiste à se dresser sur ses pattes, se gonfler, souffler bruyamment et éventuellement de donner des coups de queue qu’il vaut mieux ne pas se prendre dans la figure ! Si on le saisit, il griffe et peut mordre furieusement.

Parmi les prédateurs les plus redoutables, n’oublions pas notre espèce. De nombreuses espèces de varans souffrent gravement des activités humaines, en particulier les espèces endémiques de petites îles. Parmi ces menaces, il y a la destruction des habitats, notamment la déforestation même si les varans s’accommodent bien des forêts secondaires (modifiées par l’Homme) et des zones de culture. La chasse est un autre grave péril : les varans sont tués pour finir en sac à mains. Les espèces indonésiennes et sud-asiatiques sont particulièrement touchées et même s’il existe des fermes d’élevages d’espèces comme V. salvator, les prélèvements dans la nature sont encore nombreux. Le commerce des peaux de varans n’a rien de nouveau. Fernand Angel note dans « La vie des caméléons et autres lézards » (1943) : « D’après H. W. Parker, on estime qu’en 1932, 12 000 000 de reptiles furent tués pour le commerce des peaux et l’Inde seule en exporta 2 500 000. Dans le seul mois de septembre on embarqua à Calcutta 600 000 peaux provenant presque toutes de lézards. En 1933, 2 750 000 furent expédiés, la majeure partie étant fournies par les Varans. » A noter qu’à l’époque il n’y avait pas d’élevages industriels de ces animaux, ces peaux provenaient de la chasse. Aujourd’hui, des espèces comme Varanus salvator sont élevées en masse dans des fermes d’élevage, mais le braconnage persiste pour faire face à la demande : tant que la vente de peaux ne sera tout simplement pas interdite, le problème demeurera. Aujourd’hui, « Pendant la seule année 2010, l'Indonésie a exporté 157.500 peaux de pythons et 413.100 peaux de varans. De grandes marques du luxe en Europe telles Gucci, Hermès, Cartier et Bally utilisent ces peaux pour la confection de sacs à main, chaussures, bracelets de montre et ceintures. Bien qu'il existe depuis longtemps des imitations confondantes de peaux de reptiles, ces entreprises continuent d'importer des peaux de reptiles subissant d'intolérables sévices. Si l'Italie reçoit la moitié des importations européennes, la France et la Suisse sont aussi de gros acheteurs de peaux de reptiles » souligne le site www.sauvonslaforêt.org. De plus, les conditions de vie et d’abattage de ces reptiles flirtent avec la torture : PETA a montré dans quelles conditions ces reptiles étaient abattus voire dépecés vivants. Ca n’a pas ému grand monde à part les passionnés de reptiles ; après tout, pour la plupart des gens un reptile n’est qu’une sale bête ! Les réactions ont été toutes autres quand ont circulé début 2016 les (horribles) vidéos des abattoirs diffusées par l’association L.214. Voir la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=jeWcEcSc5fs

Le trafic légal ou illégal, des peaux de varans constitue l’essentiel du commerce de ces animaux, une petite partie correspond au commerce du vivant pour la terrariophilie. Mais celui-ci fait aussi de sérieux dégâts. Ainsi des espèces populaires auprès des amateurs comme les espèces du groupe V. prasinus ou certaines du groupe V. indicus sont activement prélevées dans la nature et peu élevées, en Europe comme dans leur pays d’origine. Selon Koch & al (2013), 5 espèces sont particulièrement exposées aux menaces que constituent le commerce du vivant : V. melinus, V. beccarii, V. boehmei, V. macraei et V. yuwonoi. Les auteurs constatent que la plupart des spécimens arrivant en Europe sont présentés comme issus de fermes d’élevage, mais on ne trouve pas les infrastructures d’élevage dans leurs pays d’origine. Ce sont des espèces délicates à reproduire et le flux de spécimens exportés ne correspond pas aux potentialités d’un élevage. Ils en concluent que pour des espèces comme V. beccarii, 90% des spécimens exportés sont capturés en milieu naturel, souvent des juvéniles ou des pontes et faussement présentés comme des sujets F2 (seconde génération d’élevage) permettant de contourner les règles de la Convention de Washington.

Les varans sont également chassés pour être mangés, c’est le cas notamment du Varan du désert (V. griseus) qui est un met de choix pour les touareg : son goût serait proche de celui d’un poisson d’eau douce. Vernet (1977) estime qu’une famille de nomades du Sahara consommait une cinquantaine de varans du désert par an. D’autres varans africains font l’objet d’une consommation, soit pour leurs vertus pseudo-médicinales soit simplement comme aliment. Ainsi, Bayless & Luiselli (2001) notent que le Varan du Nil (V. niloticus) est consommé rôti mais aussi séché et utilisé dans la soupe de palme au Ghana. V. albigularis est consommé avec des patates dans une sauce claire, et les pattes de V. exanthematicus sont consommées frites dans l’huile et consommés épicés. Mais d’autres souffrent d’une mauvaise réputation un peu comme le renard chez nous et se font simplement lynchés dès qu’ils sont vus. V. flavescens, une espèce menacée et protégée par la convention de Washington en fait souvent les frais : souffre-douleur de certains villageois, on peut aussi en voir ligotés vivants, la mâchoire cousue ou fracturée pour les empêcher de mordre.

Tous les varans sont protégés par la convention de Washington ou CITES. Hormis les espèces strictement protégées par leur classement en annexe I (V. komodoensis, V. flavescens, V. bengalensis, V. nebulosus et V. griseus), les autres sont en annexe II. Cela signifie que leur exportation est limitée par des quotas, mais que les spécimens nés en captivité sont libres de commerce dans la limite des lois nationales ou communautaires pour l’Union Européenne.

Il est assez étonnant de constater que l’état des populations de varans a été peu étudié. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) qui étudie les espèces et les classe selon le degré de menace, ne s’est penchée que sur 22 espèces de varanidés sur les 79 que l’on connait aujourd’hui. Parmi ces 22 espèces, seulement 3 sont dans la liste rouge de l’UICN : V. komodoensis (vulnérable), V. mabitang (en danger), V. nuchalis (quasi-menacé) et V. olivaceus (vulnérable). Or, des espèces comme V. melinus, V. beccarii auraient certainement leur place dans la « liste rouge ». Malheureusement leur cas n’a pas été étudié du tout et pour celles qui figurent sur la liste rouge, les études sont assez anciennes, certaines datent de plus de 10 ans. Quand on sait à quelle vitesse certaines populations ou espèces peuvent décliner, c’est une lacune assez problématique.

Bibliographie :

ARBUCKLE K. 2009. Ecological Function of Venom in Varanus, with a Compilation of Dietary Records from the Literature. Biawak 3(2) p.46-56.
 
BAYLESS K. & L. LUISELLI 2001. A review of predation on African Monitor Lizards (Varanidae). Bull. Soc. Herp. De France 97 p. 19-26

COGGER H. G. 2014. The reptiles and amphibians of Australia. 7ème edition. CSIRO Publ.

DALHUIJSEN K., BRANCH W. R. & ALEXANDER G. J. 2014. A comparative analysis of the diet of Varanus albigularis and Varanus niloticus in South-Africa. African zoology 49(1). P. 83-93.

DELISLE H. F. 1996. Natural history of monitor lizards. Krieger publishing (USA)

EIDENMÜLLER B. 2007. Monitor lizards : natural history, captive care and husbandry. Edition Chimaira (Allemagne).

FRY, B. G.; S. WROE, W. TEEUWISSE, M. J. P. Van OSCH, K. MORENO, J. INGLE, C. McHENRY, T. FERRARA, P. CLAUSEN, H. SCHEIB, K. L. WINTER, L. GREISMAN, K. ROELANTS, L. van der WEERD & C. J. CLEME 2009. A central role for venom in predation by Varanus komodoensis (Komodo Dragon) and the extinct giant Varanus (Megalania) priscus. PNAS 106: 8969-8974

GRABBE, J. 2014. Erster Nachweis von Parthenogenese bei Varanus rainerguentheri, einem Pazifikwaran aus der indicus-Gruppe. Terraria Elaphe 2014 (6): 38-42

HENNESSY, J. 2010. Parthenogenesis in an Ornate Nile Monitor, Varanus ornatus. Biawak 4 (1): 26-30

KING D. & GREEN B. 1999. Goannas : the biology of varanid lizards (2de édition). UNSW Press (Australie)

KOCH A., AULIYA M. & ZIEGLER T. 2010. Updated chekclist of the living monitor lizards of the world (Squamata : Varanidae). Bonn zoological bulletin 57(2). P. 127-136.

KOCH A., ZIEGLER T., BÖHME W., ARIDA E. & AULIYA M. 2013. Pressing problems : distribution, threats and conservation status of the monitor lizards (Varanidae : Varanus spp.) of the southeast Asia and the Indo-Australian archipelgo. Herpetological conservation and biology 8. P. 1-62

KING D. 2008. The diet and foraging strategy of Varanus acanthurus. Biawak 2(1). P.11-17

LECOINTRE G & Le GUYADER H. 2013. La classification phylogénétique du vivant vol.2. Belin (France)

PIANKA E. & KING D. 2004. Varanoid lizards of the world. Indiana University Press (USA) 608 pages !

PIANKA E. R. & VITT L. J. 2003. Lizards : windows to the evolution of diversity. University of California Press. (USA)

SPAWLS S., HOWELL K., REWES R. & ASHE J. 2004. A field guide to the reptiles of east Africa. A & C Black (Royaume-Uni)

SWAN M. 2008. Keeping & breeding australian lizards. Mike Swan Herp Boks (Australie)

VIDAL N. & HEDGES S. B. 2005. The phylogeny of squamate reptiles (lizards, snakes and amphisbaenians) inferred from nine nuclear protein-coding genes. C. R. Biologies 328.

WILSON S. & SWAN G. 2003. A complete guide to reptiles of Australia. New Holland Press (Australie)

ZIEGLER T., SCHMITZ A., KOCH A. & BÖHME W. 2007. A review of the subgenus Euprepiosaurus of Varanus (Squamata : Varanidae) : morphological and molecular phylogeny, distribution and zoogeography, with a identification key for the members of the V. indicus and V. prasinus species groups. Zootaxa 1472. P ;1-28.

Ressources internet :

www.monitor-lizards.net le site de B. Eidenmuller (allemand et anglais)

www.mampam.org Le site de Daniel Bennett (anglais)

http://indicus-complex.webs.com Un site dédié au complexe V. indicus (anglais)

www.ag-warane.de Site de l’AG Warane de la DGHT (Allemand)

www.varanidae.org: Site de l’International Varanid Interest Group (IVIG) qui publie la revue électronique Biawak, une référence ! (anglais)

Fauna of Australia – Family Varanidae

Tiliqua, le monde des lézards. ISSN 2118-5492.



Créer un site
Créer un site