Les varans sont carnivores. Tous ? Non, car une poignée d’entre eux sont omnivores. Il s’agit des trois espèces du groupe V. olivaceus, originaires des Philippines. Ces grands varans de 150 à 200 cm se nourrissent étant jeunes d’insectes, mais au bout de quelques mois ils commencent à se nourrir de fruits qu’ils avalent entiers. Selon les saisons, le régime alimentaire des adultes peut se composer en majorité de fruits, le reste étant composé de différentes proies : arthropodes, mollusques, oisillons, petits mammifères.

Les autres espèces sont des prédateurs de toutes sortes d’animaux terrestres ou aquatiques. Là aussi, l’opportunisme est de mise. Le régime alimentaire varie selon les disponibilités offertes par le milieu et la saison. Les petites espèces, de moins de 70 cm de longueur totale, se nourrissent principalement d’insectes, les orthoptères (sauterelles, criquets…) constituant des proies privilégiées pour beaucoup d’entre eux, mais certaines font de grosses consommations de petits lézards. Par exemple, V. eremius, malgré ses 45 cm de longueur totale, peut se nourrir à 70 % de petits geckos et de scinques. Les plus grandes espèces se nourrissent à la fois d’invertébrés que de vertébrés. V. dumerilii, habitant les mangroves et pouvant dépasser un mètre, fait une grosse consommation de crustacés, mais il ne dédaigne pas les insectes, les lézards ainsi que des oiseaux et des poissons. Le Varan des savanes et son grand cousin le Varan à gorge jaune sont, malgré leur taille (80 à 100 cm pour le premier, 140 voire 200 cm pour le second), principalement insectivores, les vertébrés entrent minoritairement dans leur alimentation. Le Varan du Nil lui, est essentiellement carnivore à l’âge adulte. C’est un maître dans le pillage de nids des crocodiles que plusieurs varans peuvent attaquer en groupe. On ne peut pas vraiment parler de coordination comme c’est le cas dans une meute de loups mais d’opportunisme. Les varans savent où nichent les crocodiles et à quelle période s’y rendre. Il y a donc de fortes chances que plusieurs varans attaquent le même nid. Les femelles crocodiles qui les gardent essaient de les chasser, et lorsque l’une d’entre elles s’éloigne de son nid pour pourchasser un des varans, d’autres en profite pour déterrer les œufs et les dévorer. Petits mammifères, lézards, serpents, poissons, crustacés sont les proies favorites des grands varans de plus d’un mètre cinquante de longueur totale. Les charognes constituent une part substantielle de leur alimentation, il n’est pas rare d’observer des varans se nourrir des animaux percutés par des voitures sur les routes, pouvant eux-mêmes se faire tuer… et dévorer par un congénère !

Résultats de quelques études sur le régime alimentaire des varans.
Espèce Composition
V. acanthurus 43% orthoptères, 31% lézards, 25% lépidoptères, 1% araignées.* (DeLisle 1994.)
44% orthoptères, 17% coléoptères, 7% lézards, 6% blattes, 3% œufs, 3% araignées, 3% isopodes, 4% lépidoptères et hemiptères, 1% escargots, 6% insectes non identifiés. N=127. (King 2008)
V. albigularis 28,5% tortues, 23,4% diplopodes, 17% orthoptères, 13% coléoptères, 4,9% mollusques, 3,2% rongeurs, 1,9% lepidoptères. N=57 (Dalhuijsen & al. 2014)
V. bengalensis Lézards 10%, Grenouilles 20%, mammifères 1%, Orthoptères 10%, coléoptères 30%, autres insectes 12%, Araignées 5%, mollusques 7%, Crabes 4%, centipèdes 1%. (DeLisle 1994)
V. brevicauda Centipdèes 20%, autres insectes 17%, Orthoptères 16%, Lepidoptères 6%, Coléoptères 4%, Araignées 8%, œufs 20%, lézards 12% 5deLisle 1994)
V. exanthematicus 41% lézards, 35% mammifères, 34% orthoptères, 9%, lépidoptères, 15% mollusques, millipèdes et coléoptères.* (DeLisle 1994)
V. eremius Lézards 73%, orthoptères 17%, autres arthropodes 2% (DeLisle 1994)
V. gilleni 41% lézards, 28% orthoptères, 6% coléoptères.* (DeLisle 1994)
V. giganteus Lézards 61%, mammifères 35%, Arthropodes 4% (DeLisle 1994)
V. glauerti 43% d’orthoptères, 39% araignées, 13% lézards, 5% lépidoptères.* (DeLisle 1994)
V. glebopalma Lézards 66%, orthoptères 34%, Lépidoptères 9%, coléoptères 5%, centipèdes 5% (DeLisle 1994)
V. griseus griseus Lézards 99%, Orthoptères 1% (DeLisle 1994)
V. g. koniecsnyi Coléoptères 77%, lézards 9%, autres arthropodes 8%,  œufs 4%, mammifères 1%, grenouilles 1% (DeLisle 1994)
V. indicus 26% lézards, 22% orthoptères, 13% poissons, 12% mammifères, 8% grenouilles et autres arthropodes.* (DeLisle 1994)
V. komodoensis Mammifères 98%, lézards 1%, orthoptères 1% (DeLisle 1994)
V. mertensi 40% crabes, 29% œufs, 20% autres insectes, 3% serpents, 4% grenouilles et poissons, 1% mammifères, 2% orthoptères et coléoptères.* (DeLisle 1994)
V. mitchelli Centipèdes 21%, mammifères 20%, poissons 18%, Orthoptères 17%, Araignées 5%, grenouilles 4%, autres arthropodes 2% (DeLisle 1994)
V. niloticus 94% mollusques, 5% grenouilles, 1% orthoptères.* (DeLisle 1994)
38,2% orthoptères, 26% crapauds, 13.7% reptiles, 13% crabes. N=16 (Dalhuijsen & al. 2014)
V. niloticus juvénile Araignées 26,5%, Escargots 8,9%, crabes 9,8%, larves 15,7%, grenouilles 2,9%, Orthoptères 23,5%, coléoptères 2,9%, autres 9.8% (N=43, pourcentage du nombre de proies) (Bennett 2002)
V. olivaceus Fruits 66%, Mollusques 32%, crabes 2% (DeLisle 1994)
V. prasinus 70% orthoptères, 22% mammifères, 8% autres insectes.* (DeLisle 1994)
V. rudicollis Grenouilles 54%, orthoptères 27%, araignées 7%, Isopodes 4%, autres arthropodes 7%, mollusques 1% (DeLisle 1994)
V. salvadorii 44% lézards, 13% d’orthoptères, 10% grenouilles, 3% arthropodes.* (DeLisle 1994)
V. salvator 58% orthoptères, 11% grenouilles, 8% lézards, 8% crabes, 6% millipèdes, 9% insectes, mollusques, scorpions.* (DeLisle 1994)
V. storri 97% orthoptères, 2% lézards et lépidoptères.* (DeLisle 1994)
V. tristis Lézards 74%, grenouilles 15%, orthoptères 2%, araignées 5%, autres arthropodes 5% (DeLisle 1994)
V. tristis Lézards 56,3%, Orthoptères 17,8%, oiseaux 5,3%, oeufs de reptiles 4%, autres arthropodes 6,9% (n=23) (Pianka 1971)
V. varius Mammifères 95%, lézards 2%, oiseaux 3% (DeLisle 1994)
  * : % en volume, ** : % en masse.
 
Les varans peuvent parcourir de grandes distances pour chasser, mais d’autres sont plutôt passifs, restant sur une zone réduite où ils trouvent tout ce qui leur faut. Varanus eremius, qui mesure une quarantaine de centimètres, peut parcourir 1,8 km par jour, V. varius avec son mètre soixante parcourt 3 km par jour. A l’inverse, V. bengalensis, qui mesure jusqu’à 2 mètres montre un déplacement moyen de 65 m par jour seulement, et de petites espèces comme V. acanthurus ne quittent que rarement les abords de leur abri principal. Cela varie aussi selon la saison, V. albigularis par exemple peut parcourir 6 km par jour en saison humide, moitié moins en saison sèche. Qu’est-ce qui explique de telles différences ? D’abord la menace que constituent les prédateurs et la possibilité de se dissimuler : une petite espèce vivant sur un terrain à découvert prend des risques en quittant son abri, car sa taille le rend vulnérable à tout un panel de prédateurs. Si toutefois il dispose sur son territoire de chasse de nombreuses possibilités de se cacher, par exemple entre les rochers, il se déplacera davantage. Les grandes espèces ont peu de prédateurs, ils se montrent donc plus facilement à découvert. Mais c’est surtout l’abondance des proies qui conditionne l’activité. Si un petit Varanus acanthurus trouve tout ce qui lui faut en insectes à portée de main, pourquoi parcourir de grandes distances ? Par contre, si les insectes sont rares à proximité, il va falloir les chercher. Pour les espèces se nourrissants de vertébrés, ceux-ci étant plus rares et plus dispersés que les insectes, il faut chasser durant des heures et parcourir un vaste territoire. Mais comme tous les animaux, la survie tient dans un équilibre entre l’énergie dépensée pour chercher à manger et l’énergie gagnée par le produit de sa chasse. Si un lézard dépense plus d’énergie pour trouver sa nourriture que ce que celle-ci va lui apporter, il est perdant et ne pourra pas survivre longtemps. Il faudra donc adapter l’effort au gain. Ainsi, dans de nombreux habitats semi-arides, la saison sèche est une période de faible abondance, les proies sont rares, le lézard devient moins actif et parcourt de faibles distances pour trouver sa pitance. Etant peu actif, passant par exemple beaucoup de temps dans son terrier au frais ce qui fait baisser sa température corporelle, il dépense moins d’énergie et a besoin de moins manger. C’est l’avantage que les reptiles ont sur les mammifères, ces derniers devant maintenir leur température constante, ils dépensent beaucoup d’énergie même au repos et doivent donc manger coute que coute. A la saison humide, le varan va devenir très actif, et comme la nourriture abonde, il pourra faire le plein sans problème d’autant que cette période coïncide souvent avec la période de reproduction : les mâles dépensent alors beaucoup d’énergie à chercher des femelles, ces dernières doivent aussi accumuler des réserves pour la ponte qui est très énergivore. Dans les milieux tropicaux humides où les saisons sont peu marquées, le problème est moindre : l’abondance de proies est presque permanente ainsi que l’activité des varans qui y vivent.

Le métabolisme des varans ne les oblige pas à faire des repas pantagruéliques tous les jours, leurs besoins quotidiens sont assez faibles en particuliers les grandes espèces se nourrissants de vertébrés. Car si les petits varans, insectivores, mangent en général quotidiennement, les grands varans peuvent se contenter de gros repas qui leur suffiront pour plusieurs jours ou semaines. C’est notamment le cas de V. komodoensis qui, lorsqu’il dévore un cerf ou un buffle, a fait le plein pour longtemps.

Ces lézards sont des chasseurs habiles et intelligents. Bon, certes, ils ne savent ni lire ni écrire et si vous leurs donnez un flingue ils vont juste le renifler pour savoir si ça se mange, mais par rapport à d’autres lézards ils sont capables de mémoire et de raisonnement. Ainsi, il a été observé que sur un territoire de chasse, un varan connait les endroits où il trouvera ses proies favorites, se dirigeant directement vers ces sites, là encore : gagner plus en travaillant moins. On observe aussi que les varans arboricoles du groupe V. prasinus utilisent leurs longs doigts fins pour extirper des larves et autres insectes réfugiées dans les cavités et trous des arbres.

Ils ont une  bonne vue comme beaucoup de lézards, Varanus varius pouvant par exemple distinguer un humain à 300 m de distance, mais ils comptent surtout sur la vomérolfaction et leur longue langue bifide pour débusquer et suivre leurs proies. Cette langue est dépourvue de papilles gustatives, elle ne sert pas à gouter ni évidemment à « piquer » ! Elle ne sert pas non plus à déglutir, mais à capturer des odeurs sur le sol et dans l’air, les transmettant ensuite à l‘organe de Jacobson situé dans le palais. L’image typique du varan est celle d’un animal qui marche en roulant des mécaniques, tête baissée, sortant régulièrement sa langue «  fourchue » qu’il balance de haut en bas. Ainsi, en orientant sa langue vers le haut il capte les molécules odorantes présentes dans l’air, en posant les pointes de sa langue par terre, il capte celles du sol. En la rentrant dans la gueule, il colle ses pointes sur l’organe de Jacosbon qui analyse la récolte. Si une proie est passée par là, la comparaison entre l’intensité de l’odeur dans l’air et au sol permet au varan de savoir si elle est loin ou proche. En effet, les odeurs dans l’air se dispersent vite, celles du sol persistent plus longtemps. Par conséquent, si le sol sent bon la chair fraîche mais l’air plutôt la lavande, cela signifie que la proie est passée il y a longtemps. Si l’air est aussi imbibé de l’odeur d’une proie que le sol c’est que le « manger » est tout près. De même, en comparant les odeurs de la pointe droite et gauche de la langue, il sait si la piste de sa proie va vers la droite ou la gauche. Le couple langue bifide et organe de Jacobson ne servent pas qu’à chasser, mais aussi à analyser globalement l’environnement du varan de manière bien plus précise et fine que l’odorat qui est au demeurant très bon. La vomérolfaction sert aussi à trouver une femelle, identifier un agresseur ou s’orienter dans son territoire.

Malgré qu’ils aient de fines dents aiguisées et une puissante mâchoire, comparativement à d’autres carnassiers comme les félins, la puissance de cette mâchoire est assez faible. Et comparativement à d’autres lézards comme les scinques, les varans ne peuvent pas écraser une proie aussi facilement car leur crâne est fin et fragile, celui des scinques est massif, résistant à une forte pression. Toutefois, ce crâne fin et mobile permet d’avaler des proies de grande taille ou de gober des œufs entiers. Un varan qui saisit une proie aura du mal à la tuer si celle-ci est plus grande que sa tête. Il a alors une technique assez plus brutale, hématophobes passez votre chemin : il la secoue violemment jusqu’à la dépecer ! Parfois, il la frappe contre le sol pour l’assommer ou la déchiqueter et la frotte pour l’orienter correctement dans la gueule. Le repas des varans n’est pas des plus propres !

Mais une autre arme a été découverte chez ces lézards qui leur permet de tuer de très grosses proies… En effet, comment un varan de Komodo peut-il tuer un buffle ou un cerf alors qu’il n’a ni les canines pénétrantes, ni la puissante mâchoire d’un lion pour l’occire d’un seul coup à la gorge ? Quand on observe ces gros reptiles s’attaquer à de très grosses proies, plus volumineuses qu’eux, on constate qu’ils ne font que la blesser, cruellement certes, mais sans chercher à toucher une partie du corps qui permettrait de la terrasser rapidement. Ils mordent le premier morceau de bidoche qui passe à leur portée, s’acharne dessus, infligeant de cruelles blessures puis la relâche, la laissant ensuite s’échapper. Pourtant, quelques heures ou jours plus tard, les varans retrouvent leur victime morte et la dévorent. Longtemps on pensait que la gueule du Varan de Komodo était infestée de bactéries mortelles et qu’en mordant, il les transmettait à sa proie qui mourrait de septicémie. D’autres chercheurs ont montré que la gueule des Varans de Komodo, bien qu’il refoule sévère du goulot, n’est pas remplie de germes aussi virulents et que les infections constatées chez leurs proies viennent plutôt de l’environnement. Dans les années 2000, des chercheurs comme Bryan Fry, spécialiste due la fonction venimeuse, ont découvert une glande à venin dans la mâchoire inférieure de plusieurs espèces de varan dont V. komodoensis, un venin semble-t-il assez toxique pour tuer. L’idée que les varans soient venimeux n’est pourtant pas nouvelle, un cas de complications a été observé par Sopiev en 1987 après une morsure de Varan du désert (Varanus griseus) et ressemblant à une envenimation. Néanmoins, d’autres auteurs contestent le rôle du venin dans la prédation  estimant que les morsures suffisent à elles seules, provoquant hémorragies, stress intense et au final la mort.. Il aurait aussi une utilité dans la digestion, et pour les éleveurs ou ceux qui sont intéressés par l’élevage des varans, pas de panique, celui de la plupart des espèces n’est pas toxique (et tout le monde ne peut pas avoir un Varan de Komodo chez soi, et c’est tant mieux). Sa fonction exacte reste à déterminer. Ce venin n’est pas injecté par des dents spécialisées comme chez les vipères, mais mélangé à la salive comme chez les hélodermes.

Les anguimorphes, et donc les varans, font partie du grand groupe des Toxicofères. Ce vaste groupe comprend également les serpents et les Iguaniens. Le nom de ce groupe créé en 2005 par Vidal et Hedges vient du fait que chez différentes familles qui le composent il a été découvert des glandes à venin et que par conséquent, les serpents et les hélodermes (des lézards venimeux) ne sont pas les seuls à sécréter du venin comme il fut longtemps cru.
 

« Elle a fait un bébé toute seuuuuule ! » La parthénogénèse, c’est la faculté qu’a une femelle de produire des embryons viables sans jamais s’être accouplée, donc sans spermatozoïde, l’ovule seul se divisant spontanément. On la connait notamment chez les phasmes, certaines espèces de ces fameux insectes imitant des branches ou des feuilles, que l’on peut élever en captivité avec uniquement des femelles. Ce phénomène est aussi connu chez quelques rares espèces de lézards où les mâles sont rares voire inexistants : le gecko Lepidodactylus lugubris (Gekkonidé) ou Cnemidophorus uniparens (téidé) sont parmi les exemples les plus connus. Dans certains cas, chez des espèces où il y a des mâles et des femelles, ont été observées des populations isolées composées uniquement de femelles se reproduisant par parthénogénèse. Jusqu’à récemment, la parthénogénèse ne fut jamais observée chez les varanidés. Mais en 2006, au Chester Zoo (Royaume-Uni), une femelle de varan de Komodo a pondu des œufs viables alors que jamais elle ne fut en contact avec un  galant. Depuis, les observations  de parthénogénèse chez des varans se sont multipliées : Varanus panoptes, Varanus ornatus, Varanus rainerguentheri… ont rejoint le club des « Marie reptiliennes ». Toutes ont été faites en captivité. Il faut dire c’est le cadre idéal pour démontrer une reproduction « virginale » car on sait exactement d’où vient le spécimen et s’il a été en contact ou non avec un mâle. La ponte de la femelle du Chester Zoo réserva une autre surprise : alors qu’en général une femelle se reproduisant par parthénogénèse ne met au monde que des femelles, là il n’y eu que des mâles. Chez de nombreux reptiles, le sexe n’est pas déterminé par des chromosomes sexuels mais par la température d’incubation, ce n’est pas le cas chez les varans dont le sexe est déterminé par les chromosomes sexuels mais selon un principe inverse à celui des humains. On sait que chez les humains, une femme se caractérise par des chromosomes sexuels XX, et un homme par la formule XY. Petit rappel de vos cours de biologie : lors de la production des ovules ou des spermatozoïdes (gamètes) s’opère une méiose, une cellule se divise en deux et se répartis les chromosomes. Un ovule aura toujours un X mais un spermatozoïde portera soit un X, soit un Y : c’est donc le spermatozoïde qui détermine le sexe du futur embryon… Mesdames, vous pouvez manger aussi salé ou sucré que vous voulez, c’est chez monsieur que ça se passe ! Chez le Varan de Komodo, les mâles ont une formule chromosomique dite ZZ et les femelles ZW, le W est l’équivalent du Y humain : là c’est madame qui porte le chromosome qui donnera des mâles. Dans une reproduction sexuée classique, le mâle apporte donc toujours un Z, la femelle soit un Z soit un W. Dans le cas de la parthénogénèse, la femelle utilise tous ses chromosomes, et comme elle ne porte que la formule ZW, elle n’engendrera que de mâles. Ce peut-être un avantage considérable si une femelle se retrouve isolée sans mâles, car en en produisant par parthénogénèse, elle peut reconstituer une population en s’accouplant avec « ses fils » : l’inceste n’est pas un tabou chez les reptiles… chez les humains non plus d’ailleurs, souvenez-vous : Adam et Eve ont eu deux fils, dont l’un d’eux fut tué par son frère… Avec qui ont-ils « fauté » à votre avis pour créer l’humanité ? Leur mère ! Oui, selon la légende chrétienne, nous sommes tous les descendants d’un inceste commis par un fratricide ! Et c’est Darwin qu’on accuse d’immoralité !

Nonobstant, le mode de reproduction le plus courant reste la reproduction sexuée. Comparativement à de nombreux autres lézards, les varans sont plutôt des romantiques voire même adeptes du kamasoutra ! En observant des scinques ou des lézards des murailles s’accoupler on s’aperçoit que les mâles sont de véritables brutes, mordant les femelles parfois jusqu’à les blesser. Ce type d’accouplements brutaux existent aussi chez les varans, des espèces comme le petit V. storri sont connus pour leur brutalité et des femelles ont été sévèrement blessées en captivité par des mâles trop ardents. Mais d’autres s’accouplent sans aucune morsure, le mâle enlaçant la femelle avec ses pattes postérieures voire antérieures. Des espèces arboricoles comme V. prasinus s’accouplent même à la verticale, en captivité il est courant de les voir faire leur parties de pattes en l’air accrochés aux parois de leur terrarium. L’accouplement est souvent de courte durée, 2 à 10 minutes, rarement plus, mais un mâle peut s’accoupler avec une femelle pendant plusieurs jours, la femelle pouvant aussi s’accoupler avec plusieurs mâles.

La maturité sexuelle est corrélée à la taille du spécimen mais aussi de l’espèce. Les petites espèces comme V. acanthurus sont matures à assez rapidement : entre 1 et 2 ans, chez V. komodoensis la maturité sexuelle est atteinte vers 5 ans.

Le nombre d’œufs pondus par ponte est très variable, si de petites espèces comme V. brevicaudus ne pondent que 2 ou 3 œufs, V. acanthurus une demi-douzaine (au maximum 10-11) ; les grandes espèces comme V. niloticus peuvent en pondre plusieurs dizaine (jusqu’à 60). En captivité on peut observer une femelle pondant plusieurs fois par an, mais dans la nature il n’y a en général qu’une ponte annuelle. Les œufs sont pondus sous des rochers, dans un terrier ou sous les plantes. De nombreuses espèces affectionnent les termitières pour y pondre. Citons par exemple Varanus niloticus, V. exanthematicus, V. albigularis, V. varius, V. giganteus… Ces grandes constructions sortant de terre sont des abris idéaux : la femelle y creuse une excavation et y dépose ses œufs. Les termites referment le trou sans s’en prendre aux œufs du reptile qui se retrouvent enfermés et protégés dans un incubateur naturel humide et chaud.

Comparativement à l’incubation de la plupart des lézards tropicaux, qui dure généralement 60 à 90 jours, la durée d’incubation des oeufs de varans est très longue, généralement entre 100 et 140 jours, bien plus pour des espèces comme V. komodoensis ou V. varius où elle peut dépasser 200 jours. Souvent, l’incubation des grandes espèces est plus longue que celle des petites espèces, sans que ce soit une généralité absolue.

Quelques durées d’incubation dans la nature et en captivité : On constate fréquemment chez les varans une grande amplitude entre les données dans des conditions d’incubation artificielle semblables, en élevage il ne faut donc pas rendre les données publiées pour des données reproductibles au jour près.
Espèce Durée générale dans la nature et ou en captivité (De Lisle 1996) Durées en captivité (température entre parenthèses)
V. komodoensis 208-237 j.  
V. giganteus 228-235 j. 227-234 j. (30-32°C), 242-264 j. (29,5°C) (Husband & Bonnet in Swan 2008)
V. exanthematicus 138-181 j. 156-160 j. (30.3°C) (Coiro, 2007), 169-173 j. (29°C) (Roder & Horn 1993)
V. salvadorii   185-200 j. (28-30,5°C), 155 j. (29,5-30,5°C) (Camina & al. 2013)
V. salvator 85-250 j.  
V. acanthurus 92-169 j. 103-123 j. (29-31°C), 117-125 j. (27-29°C) (Husband & Bonnet in Swan 2008)
V. brevicauda 70-84 j. 90-95 j. (29°C), 108-109 j. (28-30°C), 69-90 j. (29,5-31,5°C) (Husband & Bonnet in Swan 2008)
V. gilleni 92-104 j. 130 j. (29-31°C), 106-112 j. (26-29°C), 124-131 j. (26-29°C), 95-101 j. (26-29°C), 95-96 j. (29°C), 87-89 j. (30°C). (Husband & Bonnet in Swan 2008)
 
Un  phénomène intrigue les chercheurs. Nous avons vu que de nombreuses espèces de varans pondent dans les termitières, mais des naturalistes ont observé que certains varans, comme Varanus varius font de grands trous dans les termitières où des oeufs ont été pondus, les jeunes trouvant ainsi une ouverture pour se libérer de leur incubateur naturel. Du coup, certains pensent les femelles reviennent vers la termitière où elles ont pondu pour libérer leur propre progéniture, mais d’autres scientifiques sont sceptiques sur cette forme de « soins parentaux » car on a aucune preuve que ce sont bien les génitrices de ces pontes qui viennent les éventrer. D’autant qu’il semble que des mâles aient été observés éventrant ces termitières, ce ne peut donc pas être le retour de « maman » ! Ces scientifiques pensent néanmoins que l’éventration des termitières, quel que soit l’auteur de ce forfait, stimulerait l’éclosion des jeunes.
 


 



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