Où et comment vivent les varans?
Répartition, écologie et menaces.


 
Vincent Noël - avril 2016.


 

Les varans sont des lézards « de l’ancien monde », c’est-à-dire qu’ils sont absents d’Amérique alias le « nouveau monde ». On les rencontre essentiellement dans les régions tropicales : en Afrique (sauf Madagascar), en Asie du sud, dans le vaste archipel indo-malais, en Nouvelle-Guinée et de nombreuses îles limitrophes comme les Salomon ainsi qu’en Australie.


L’Australie : 14 fois la France, plate comme une crêpe, essentiellement aride ou semi-aride,  que l’on qualifie d’île aux kangourous mais qui devrait plutôt être nommée l’île aux lézards, montre en effet une diversité remarquable avec plus de 800 espèces de reptiles non aviens dont une majorité de lézards. On y compte une trentaine de varanidés avec une grande variété notamment en taille : Il y a de très grandes espèces comme V. giganteus, V. varius ou V. gouldii qui dépassent un mètre, mais aussi les plus petites espèces, celles de moins de 40 cm du sous-genre Odatria. Tous les milieux sont occupés par ces reptiles : depuis les forêts tropicales humides du Cape York, tout au nord, jusqu’à l’extrême sud et son climat méditerranéen en passant par le Centre désertique ; ils sont néanmoins absents sur l’île de Tasmanie. La diversité des espèces dans les milieux désertiques du centre et de l’ouest ainsi que les milieux de brousse du nord est particulièrement importante. Certaines espèces ont une répartition très vaste comme V. tristis ou V. panoptes qui occupent plus de la moitié de la superficie de l’île. D’autres sont limitées à une  région très restreinte comme V. sparnus, V. eremius ou V. keithhornei. La répartition de quelques varans australiens déborde sur la Nouvelle-Guinée et les îles limitrophes comme par exemple V. timorensis ou V. auffenbergi originaires des îles de la Sonde (Timor et Roti Island) alors qu’ils font partie du sous-genre Odatria. De même, V. panoptes est scindé en trois sous-espèces, deux australiennes (V. panoptes panoptes et V. p. rubidus) et l’autre vivant au sud de la Nouvelle-Guinée (V. panoptes horni). Les transferts de faunes entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée ont fréquents par le passé, ainsi on observe des espèces d’origine australienne au sud de la Nouvelle-Guinée et des espèces d’origine asiatiques au nord de l’Australie. C’est dû au fait que lors de la dernière glaciation, le détroit de Torrès, qui aujourd’hui sépare la Nouvelle Guinée de l’Australie, n’était pas immergé car le niveau des mers était 120 m plus bas qu’aujourd’hui. Cet ensemble est nommé Sahul. La Nouvelle-Guinée et les îles limitrophes sont riches en espèce. Certaines comme V. indicus, V. salvadorii ou V. prasinus ont une vaste répartition, occupant une grande partie de l’île de Nouvelle-Guinée, d’autres sur de très petites îles qui l’entourent comme V. beccarii sur l’île d’Aru ou V. juxtindicus originaire de l’île de Rennel dans l’archipel des Salomon.

En Asie tropicale, la diversité est également impressionnante. La partie continentale, depuis l’Inde à la péninsule malaise, est occupée par des espèces du complexe V. salvator ainsi que V. bengalensis, V. nebulosus, V. flavescens et V. dumerilii. Ce sont tous des espèces de plus d’un mètre, voire plus d’un mètre cinquante pour le groupe V. salvator. Ce sont de grands varans  très liés à l’eau, y passant beaucoup de temps et se nourrissant souvent d’animaux aquatiques. V. bengalensis et V. flavescens habitent des zones semi-arides d’Inde et de l’est du Pakistan, néanmoins, on les rencontre surtout dans les zones relativement humides, notamment aux abords des rivières et autres milieux aquatiques ainsi que près des cultures. V. nebulosus est une grande espèce des forêts tropicales et des zones plus ouvertes du sud-est asiatique et des îles de Java et Sumatra. V. dumerilii est une espèce arboricole qui vit souvent près des mangroves et chasse en particulier les crabes. L’archipel indo-malais est composé d’un nombre impressionnant d’îles : Bornéo, Java, Sumatra, les Philippines, les Moluques… L’endémisme est également fort, ainsi des espèces comme V. melinus, V. yuwonoi ou V. zugorum ne vivent que sur une île ou un petit archipel. Ces archipels sont dominés par les groupes V. indicus et V. salvator ainsi que V. prasinus autour de la Nouvelle-Guinée. On y trouve aussi, aux Philippines, les trois espèces de varans frugivores : V. olivaceus, V. bitatawa qui vivent sur l’île de Luzon et V. mabitang sur l’île de Panay.

L’Afrique sub-saharienne ne comprend que trois espèces (quatre si on y inclue V. ornatus qu’une étude a récemment considéré comme synonyme de V. niloticus). Il s’agit du Varan du Nil (V. niloticus), du Varan des savanes (V. exanthematicus) et son proche cousin, le Varan à gorge jaune (V. albigularis). Le Varan du Nil est présent dans toute l’Afrique sub-saharienne, depuis le sud du Sahara à l’Afrique du sud. V. exanthematicus est présent dans le Sahel, c’est-à-dire entre le Sahara et l’Equateur. Quant au Varan à gorge jaune, on le trouve dans les régions semi-arides de l’est et du sud de l’Afrique. Tous font partie du sous-genre Polydaedalus qui comprend un quatrième membre : V. yemenensis vivant de l’autre côté de la Mer rouge, au Yémen. Ce sont de grandes espèces, si V. exanthematicus mesure en général 80 à 100 cm, V. niloticus et V. albigularis dépassent 150 cm avec des records autour de 2 m.

Varanus griseus fait un peu exception au sein de cette famille typiquement tropicale puisqu’on le trouve jusque dans les steppes du Kazakhstan, entre la mer Caspienne et celle d’Aral (enfin, ce qu’il en reste). On le trouve aussi au Moyen-Orient, en Arabie et dans le Sahara jusqu’à la côte marocaine. C’est l’espèce la plus septentrionale de la famille. Néanmoins, il n’est pas le seul à vivre sous des climats aux hivers frais voire froids : les populations de Varanus niloticus vivent à la pointe de l’Afrique du sud où le climat est méditerranéen, hibernant donc en hiver. De même pour les espèces vivant au sud de l’Australie - V. rosenbergi et V. varius - où le climat est tempéré.
 

Varanus giganteus, un grand varan des milieux secs d'Australie.
 
Les varans occupent toute une variété d’habitats. Ce sont souvent des lézards opportunistes : même si la plupart a des mœurs terrestres, ils grimpent fort bien, que ce soit sur les rochers ou dans les arbres grâce à leurs membres puissants et pourvus de bonnes griffes. Les juvéniles des grandes espèces ont souvent de fortes tendances arboricoles. C’est le cas du Varan de Komodo dont les jeunes chassent et trouvent refuge dans les arbres pour échapper notamment aux adultes volontiers cannibales mais essentiellement terrestres. Certaines grandes espèces comme V. salvadorii ou V. olivaceus sont arboricoles même à l’âge adulte malgré leur taille imposante. Les espèces du groupe V. prasinus sont les varans les plus spécialisés pour la vie arboricole : fins et légers, munis de longs doigts et une queue préhensile, ils ne vont que rarement au sol. En revanche, les espèces comme le Varan des savanes ou le Varan du Nil sont principalement terrestres, ils grimpent peu souvent aux arbres mais peuvent tout de même s‘y aventurer pour fuir un prédateur, pourchasser une proie ou piller un nid d’oiseaux. Les affinités avec l’eau sont également fortes : de nombreuses espèces comme V. flavescens vivent dans des régions assez sèches mais ils occupent des habitats humides, que ce soit les abords des rivières et autres milieux humides. Les varans du groupe V. indicus se retrouvent souvent près des cours d’eau ou dans les mangroves. Ce sont de bons nageurs et le Varan du Nil, V. mertensi ou celles du groupe V. salvator sont franchement aquatiques, passant des heures dans l’eau, y chassant des crustacés ou des poissons. Mais d’autres espèces comme V. griseus ou V. acanthurus sont véritablement déserticoles, vivant dans des régions où l’eau est extrêmement rare.

Comme tous les reptiles non aviens, les varans sont ectothermes : ils utilisent des sources de chaleur externes – notamment le soleil - pour chauffer leur corps et parvenir à une température corporelle adaptée à leurs besoins. Comparativement à d’autres reptiles, les varans recherchent une température corporelle optimale élevée (32 à 38°C selon les espèces), proche de celle de l’Homme : rien à voir donc avec des animaux « à sang-froid ». On observe une différence selon qu’il s’agisse d’espèce semi-aquatiques comme V. niloticus, V. mertensi ou V. salvator qui ont une température moyenne préférentielle légèrement moins élevée (27-32°C) que des espèces terrestres comme V. exanthematicus, V. gouldii ou V. komodoensis (autour de 35-38°C). Diurnes, ils commencent leur journée en se réchauffant au soleil, à l’entrée de leur abri nocturne. Puis c’est la chasse ou pour les messieurs en période de reproduction, la recherche d’une femelle. Aux plus fortes chaleurs de la journée, ils vont se retirer à l’abri même si des espèces très thermophiles comme Varanus acanthurus, s’exposent au soleil à des températures très élevées. De même, V. griseus peut-être observé se promenant sous le soleil saharien, à des heures où la majorité des autres reptiles doivent s’abriter dans la fraicheur d’un terrier. A partir de 38°C, beaucoup commencent à ressentir une hyperthermie et tentent de faire baisser leur température interne, par exemple en gardant la gueule ouverte pour augmenter les échanges entre leur système sanguin et l’air même s’ils peuvent rester actif jusqu’à 40-42°C de température corporelle, alors qu’un homme et son « sang chaud » est à l’article de la mort… Toutefois c’est la limite, pour la plupart des espèces, dépasser 42°C signifie la mort.

Quelques exemples de températures moyennes préférentielles chez les varans :

 
Espèce Température moyenne préférentielle Espèce Température moyenne préférentielle
V. niloticus 32,7°C V. gilleni 37,4°C
V. salvator 27-32°C V. griseus 38,5°C
V. exanthematicus 36,4°C V. tristis 34,8°C
A noter que ces températures sont des moyennes, selon les besoins de l’animal (digestion, repos, préparation à la chasse..), elles varient de quelques degrés.
 

 



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